CHAPITRE I LA NAISSANCE DES CAHIERS ET LA FIN DE LA COMMUNAUTE LYONNAISE (1942-1945)

En septembre 1940 s’effectue le retour sur Lyon et l’installation du centre de la Communauté au 5, rue Pizay, dans un local plus vaste que celui de la place du Change et divisé en deux parties indépendantes232 : « ‘L’une réservée aux réunions et au secrétariat du groupe, l’autre au logement de Jehanne Allemand-Martin’ ‘, Marie Aubertin’ ‘ et des Mounier’ ‘ qui ont suivi le reste de l’équipe pour poursuivre la vie communautaire, et disposent d’une seule pièce dans un confort des plus sommaires : « C’était une seule chambre...envahie par le tapage d’un haut-parleur installé dans le cinéma voisin, à la fois chambre à coucher, salle à manger, bureau d’Esprit et lieu de réunion.’ »233

Parallèlement à cette installation, la Communauté retrouve certains de ses membres d’avant-guerre, à la faveur de la réorganisation qui s’opère en France après le temps des hostilités et de l’exode. Mais si les effectifs sont maintenus, la dispersion continue : l’équipe féminine lyonnaise ne comprend plus que sept personnes, certains hommes restent prisonniers en stalag (Paul Fraisse, Michel Chartier...) ; plusieurs membres de l’équipe prennent des responsabilités dans les instances nouvelles créées par le régime de Vichy ou les mouvements de jeunes qui se structurent alors. Un ancien, Jacques Chaveyriat, déjà commissaire routier des Scouts de France et une nouvelle recrue de la Communauté, Charles Maignial, participent à la mise en place des Compagnons de France aux côtés d’André Cruiziat et Henri Dhavernas.234

Quant à Marie Aubertin, elle entre à l’Ecole des cadres féminins d’Ecully, où elle occupe le poste de directrice des études235. De tels engagements sont révélateurs de la situation de nombreux jeunes cadres issus des mouvements chrétiens à l’égard des structures mises en place par le nouveau pouvoir. Des places sont à prendre - du moins à occuper - et l’attitude, certes sans commune mesure avec l’esprit de revanche qui anime alors les tenants de la « divine surprise », est tout de même celle d’une adhésion à un discours dans lequel la Communauté retrouve une partie de ses valeurs.

L’entrée en mai 1941 de Jehanne Allemand-Martin au comité des problèmes de la jeunesse féminine auprès du Secrétariat Général à la Jeunesse, et celle en juillet de la même année de Marie Aubertin au Comité d’études féminines qui se réunit à Vichy de temps en temps, soulignent que, sans adhérer forcément en bloc à l’idéologie de Vichy, certains éléments du groupe ont pu être séduits un temps par certains aspects de la Révolution Nationale : la condamnation de l’individualisme libéral et bourgeois, la réhabilitation d’une morale familiale et sociale, une éthique de la responsabilité des élites etc...Mais tout cela n’empêche pas l’équipe de poursuivre ses réalisations, dans un contexte bien différent toutefois.

Notes
232.

« Avec entrées et escaliers distincts » est-il précisé dans une note au Cardinal Gerlier, afin, n’en doutons pas, de désamorcer d’éventuels soupçons.

233.

« Une vie », Esprit, n° spécial de décembre 1950.

234.

Message n°14 du 2 août 1940.

235.

Delphine Barlerin, L’école nationale des cadres féminins d’Ecully (15 octobre 1940-11 janvier 1943), mémoire de maîtrise, Université Lyon 2, 1997, 235 pages ; Bernard Comte, L’école nationale des cadres d’Uriage (1940-1942), thèse de doctorat, Université Lyon 2, 1987, Atelier national de reproduction des thèses, Lille, 1989, 1 243 pages, notamment page 613-617.