Dès mai 1941, il est question de publication. Le conseil de la Communauté en adopte alors le principe. Message en rend ainsi compte : « ‘Maurice Montuclard’ ‘ est chargé depuis quelques mois des Editions de l’Abeille. Cela permettra peut-être à la Communauté de réaliser bientôt la publication de cahiers où pourront passer les résultats de notre expérience chrétienne commune.’ »247 Tous les éléments de la future réalisation sont déjà en place : une parution sous forme d’une collection de cahiers pas forcément périodiques, dont le contenu sera centré sur la recherche menée par le groupe depuis 1936. On notera aussi que l’activité éditoriale de Montuclard apparaît bien comme un facteur décisif pour la concrétisation du projet.
A la fin de l’année, les choses se précisent : deux cahiers sont en chantier. Le premier, auquel travaille le père Montuclard plus particulièrement et qu’il est prévu alors d’intituler « Présence à l’Eglise »248 veut insister sur cette idée récurrente du religieux : les événements poussent les chrétiens à être attentifs non seulement au monde, mais à l’Eglise. De là, trois idées-forces guident sa réflexion : pour être attentif à l’Eglise, il faut la considérer non seulement comme moyen de sainteté personnelle ou de rénovation de l’ordre social, mais aussi en elle-même, pour elle-même, comme fin ; si elle est fin, il faut vivre l’Eglise, en menant la vie de communauté chrétienne ; la présence à l’Eglise, ainsi définie, oriente la présence des chrétiens au monde.
Ce texte fondamental doit être accompagné de trois appendices, rédigés par des spécialistes, respectivement sur le royaume de Dieu, les pères de l’Eglise et l’ecclésiologie de l’âge apostolique. Le second essai auquel se consacrent surtout Paul Montuclard et Marie Aubertin porte sur les conditions et les méthodes du renouveau de l’Eglise.
On s’étonne évidemment de l’absence de Jehanne Allemand-Martin dans ce travail, d’autant plus qu’au même moment, le conseil de la Communauté nomme une nouvelle responsable de l’équipe dont elle était chargée. Les charges matérielles du secrétariat et de la conception des publications justifient-elles cette mesure ? Ou sont-ce des motifs personnels (la jeune femme perd sa mère le 6 février 1942) ? A moins qu’il ne s’agisse des premiers signes de dissension au sein de l’équipe ? En l’absence d’éléments de réponse, on en est réduit aux conjectures.
Il n’en est pas moins vrai que la question de la participation des membres de la Communauté à l’aventure éditoriale des Cahiers se pose déjà. Dans l’esprit de Montuclard, il n’est pas envisagé que tous participent à leur rédaction, même si tous sont sollicités... pour la diffusion et le soutien financier. L’expression « ‘La collection J.E. est l’affaire de tous en ce sens que c’est le conseil de la Communauté qui en est responsable’ » est lourde d’équivoques possibles et de conflits à venir. En fait, à partir du moment où certains membres du groupe courent deux lièvres à la fois – approfondissement de la vie communautaire et élaboration des Cahiers -, les failles apparaissent, creusées par l’ouverture de la réflexion à des collaborations extérieures. L’année 1942 est traversée de remises en cause – parfois contradictoires – qui portent en germe l’implosion de 1944249. Pour l’heure, les permanents de la rue Pizay sont accaparés par leurs tâches éditoriales.
Message n°16 du 1er juin 1941.
En fait les quatre premiers Cahiers sortiront sans titre général. L’article du père Montuclard dans le premier Cahier s’intitulera finalement « Tâches d’aujourd’hui ».
Sur ce débat, cf infra p 144 et sq.