Achevé au moins le 27 avril 1942, date où il reçoit l’imprimatur et l’imprimi potest 250, le texte n’est publié que le 5 octobre 1942. La pénurie de papier, les lenteurs et les tracasseries administratives sont la cause de ce long délai, tout comme l’impression, confiée finalement à la maison Carrère de Rodez. De format 18 X 24, il compte 176 pages. Sa couverture bistre, simplement décorée d’une grande lettre « J » de couleur –l’initiale de Jeunesse de l’Eglise -, porte, outre le nom de la revue, la mention du directeur (M.I. Montuclard) et l’adresse du siège.
En exergue figurent quatre passages du message de l’Ascension 1942 du pape Pie XII, dont l’un semble avoir inspiré le nom même du mouvement : « ‘La jeunesse de l’Eglise est éternelle parce que l’Eglise ne vieillit pas : dans sa marche à l’éternité, elle ne fait que régler son allure suivant les conditions de chaque temps : les siècles qu’elle laisse derrière elle ne sont pour elle qu’un jour, tout comme ne sont qu’un jour aussi les siècles qu’elle attend’ ».
La présentation générale du fascicule concourt à en donner l’image exigeante d’une revue qui vise un public cultivé. Pourtant dès les premières lignes, l’étiquette théologique, voire culturelle, est rejetée, au profit de l’expression « cahiers tactiques », pour affirmer une volonté de s’ancrer dans l’expérience vécue et de déboucher sur des réalisations . Le contenu de l’ouvrage diffère assez sensiblement du plan initial, mais l’article-phare du père Montuclard, sous le titre « Tâches d’aujourd’hui » traite effectivement de l’Eglise comme corps vivant et arche de salut, dans une perspective de rénovation communautaire. Partant de l’expérience du groupe lyonnais, il dresse un ordre d’urgence des réformes nécessaires : revitalisation de la paroisse, redécouverte de l’Eglise comme communauté réelle des chrétiens, travail de recherche sur les moyens tactiques à mettre en oeuvre. Quelques lignes résument bien son propos et sonnent comme un manifeste : « ‘Il reste à redécouvrir l’Eglise dans sa réalité interne et visible, c’est-à-dire une vie de société et de communauté entre chrétiens, fondée, en dehors de toute considération d’affinités humaines, individuelles ou sociales, sur le seul fait de l’unité de la grâce, axée non sur une action intérieure commune, mais sur les rapports et les responsabilités des uns à l’égard des autres des membres du Christ, et dont le culte de Dieu, l’Eucharistie, redeviendrait l’expression principale et, pour ainsi dire, naturelle.’
‘Il s’agit, redécouvrant ainsi l’Eglise en elle-même et pour elle-même, de redécouvrir le monde en lui-même et pour lui-même aussi. Il s’agit enfin de prendre, dans le christianisme d’abord et non dans les engouements passagers ou ce que l’on croit les nécessités de l’heure, la source de l’humanisme de l’homme chrétien.’ » 251
Il n’est donc pas question d’oublier le monde, mais la priorité est à donner à l’Eglise, simplement parce que le militantisme conquérant de l’Action catholique en a détourné les membres et a ainsi rompu l’équilibre entre les deux centres d’intérêt du chrétien, toujours en tension. La présence au siècle n’en sera que plus authentique, car « ‘vouloir la réaliser là [dans le monde] sans d’abord se soucier de l’établir ici [dans l’Eglise], ne serait - ce pas attendre l’eau au ruisseau alors qu’on a tari la source ? »’ 252
Et si la conscience de l’Eglise devenait si vive que les chrétiens ressuscitent l’état d’esprit et la vie de société du temps du christianisme primitif, ils en viendraient à faire de la communauté « ‘le type même du groupement chrétien – non pas l’unique forme de groupement, mais la plus complète et la plus essentielle’ »253.
Dans l’immédiat, justifiant l’appellation revendiquée de « cahier tactique », Montuclard en appelle à la mise sur pied d’un centre de recherche dont il n’existe pour l’instant que le secrétariat...Le projet vise à réunir, sur les grands problèmes chrétiens de l’heure, le plus grand nombre de collaborations, dont les plus pertinentes formeront les cahiers futurs qui paraîtront trois ou quatre fois par an, sans périodicité stricte. Il est envisagé de les doubler d’une seconde collection, de plus grande vulgarisation et plus pratique et d’aboutir à des sessions de rencontres et d’informations.254
Le reste du cahier est surtout centré sur des préoccupations ecclésiologiques, comme pour insister sur l’orientation donnée par l’article introductif. Henri Chirat donne une contribution historique sur « les réunions chrétiennes dans l’Eglise primitive. » L’aspect communautaire est très présent. Gabriel Marcel fournit une courte analyse sémantique sur le mot « communauté », tandis que le mariste Joseph de Baciocchi dresse le compte-rendu de « Communauté et religion », troisième des Cahiers d’études communautaires dirigés par François Perroux et Jacques Madaule.
Imprimatur : A. Rouche, vicaire général du diocèse de Lyon ; imprimi potest : F. Cathelineau, provincial des dominicains de la province de Lyon.
Cahier 1, page 32.
Ibid, page 44.
Ibid, page 49.
Préfiguration des « troisièmes dimanches » et « assemblées de Pentecôte » du Petit-Clamart.