Le tirage des différents Cahiers ne fut jamais spectaculaire, tournant autour de 3000 exemplaires chacun. Cependant, il ne faudrait pas en tirer l’impression d’une publication confidentielle.
D’abord, deux Cahiers connurent une réédition, à 3 000 exemplaires chaque fois : le numéro 2, ainsi que le numéro 5 : « Crise de la civilisation chrétienne », et ce dans un contexte économique difficile (la guerre pour le premier, la poursuite des restrictions pour le second). De plus, l’article-manifeste du premier Cahier, « Tâches d’aujourd’hui » a bénéficié d’un tiré-à-part, tout comme le texte du père Montuclard dans le Cahier 2, « Le franc-jeu des chrétiens dans la nation ». On connaît aussi le sort particulier de Dieu, pour quoi faire ?, édité successivement par les Editions Ouvrières et les Editions du Seuil, avec le même succès.
Il faut ajouter que Les événements et la foi auraient certainement connu le même destin éditorial si la diffusion n’en avait pas été stoppée à la demande de la hiérarchie.
Toutefois, Jeunesse de l’Eglise a sans doute souffert de ne pouvoir longtemps s’appuyer sur un réseau de diffusion organisé. Le succès des deux derniers Cahiers, même s’il doit beaucoup à la nouvelle maquette, à un contenu plus accessible et à la notoriété grandissante et sulfureuse de J.E., prouve a contrario que la prise en charge de la distribution par une grande maison d’édition augmentait sensiblement les ventes.
Le système de vente directe, même s’il offrait de plus grands bénéfices manquait d’efficacité. Fondé sur le dévouement des militants, les contacts plus ou moins aléatoires, le démarchage de nouveaux lecteurs éventuels, il pompait les énergies sans parvenir à la rentabilité.
Est-ce à dire que les Cahiers de Jeunesse de l’Eglise eurent un impact confidentiel ? Certainement pas. Ils constituent au contraire le type même de la revue dont l’impact dépasse largement le tirage. S’ils furent, en effet, peu ou mal vendus en librairie - encore que les librairies chrétiennes en assuraient la diffusion -, leur présence dans les bibliothèques d’instituts catholiques permettait de toucher un large public de séminaristes et d’étudiants.294 Tel texte du père Montuclard fut étudié dans un cours de grand séminaire, tel autre fit l’objet de lectures dans des réfectoires des monastères... Chaque livraison donnait ainsi lieu à des discussions enflammées entre les séminaristes et leurs professeurs. La correspondance de J.E. montre combien les articles des Cahiers étaient également discutés par des groupes de laïcs, qu’ils soient paroissiaux ou liés à l’Action catholique.295 Les nombreux prêtres abonnés répandaient aussi autour d’eux les thèses défendues par J.E. Ainsi, circulant de mains en mains au sein de réseaux informels de militants ou de fidèles sensibilisés, les Cahiers de J.E., abondamment lus et commentés, eurent une influence qui dépasse sans doute largement la quantité d ‘exemplaires publiés.
Témoignage entre autres de Jacques Solé, professeur d’histoire moderne à l’Université de Grenoble alors étudiant à Lyon, du père Maurice Martinon, alors séminariste à Gap, du père Gerest, o.p., professeur au studium de Saint-Alban-Leysse.
Voir notamment F.M., 1 ; F.M., 2 ; F.M., 3 ; F.M., 4.