Dès janvier 1945, l’équipe de Jeunesse de l’Eglise ressent le besoin de recréer un lien entre les membres du mouvement, par l’intermédiaire d’une feuille qui viendrait remplacer Message. Ainsi naît La Lettre, dont l’objectif, en réalité, est double : faire circuler l’information à l’intérieur du mouvement et notamment du centre lyonnais, puis parisien, vers les groupes locaux et les adhérents isolés ; promouvoir Jeunesse de l’Eglise auprès de nouveaux membres éventuels, dont les noms sont communiqués par les militants.
La Lettre aura une existence chaotique. Pas moins de trois séries se succéderont. La première compte 9 numéros entre janvier 1945 et juillet 1947, les trois premiers numéros sont polycopiés, les suivants sont imprimés. En principe bimestrielle, elle ne connaîtra que rarement cette périodicité. De format in-quarto, elle compte de deux à dix pages, selon les difficultés financières et la disponibilité de ses rédacteurs, sollicités sans cesse par mille autres tâches.
Après une brève interruption, une nouvelle série est lancée dès octobre 1947, mais elle ne comptera qu’un numéro. Enfin, en octobre 1948, débute une troisième série qui paraît trois années durant. Ses numéros s’étoffent. Plus qu’une simple feuille de liaison, ils se transforment en un véritable organe d’expression du mouvement. Des articles de fond sur la situation de l’Eglise ou sur les problèmes politiques de l’heure cohabitent avec les rubriques pratiques et les petites annonces concernant la vie des groupes.
Il faudra la naissance du Bulletin de liaison, début 1951, pour que la Lettre redevienne une simple circulaire consacrée aux informations financières. Elle disparaîtra d’ailleurs fin 1951, après que la souscription lancée auprès des adhérents pour payer l’installation rue Bessières aura été couverte.
Le Bulletin de liaison apparaît comme la forme la plus achevée des publications internes de Jeunesse de l’Eglise. Mais cette consécration est commandée par la cruauté des circonstances. Mis en danger par une trop grande exposition, le mouvement est amené à réduire son influence auprès du grand public avant d’être contraint au silence. La réception mitigée de Dieu, pour quoi faire ?, puis le bruit retentissant fait autour des Evénements et la Foi, conduisent les animateurs de J.E. à privilégier la réflexion interne. Après les mises en cause de la hiérarchie, le Bulletin de liaison deviendra le lieu des justifications et des mises au point théoriques.
Polycopié, il se présente sous une couverture orange imprimée qui porte une citation biblique tirée du livre de Néhémie : « Et le peuple prit à coeur ce travail »399. Comptant de 15 à 20 pages, il est bimestriel en 1951, puis mensuel. Au total, 26 numéros paraissent de janvier 1951 à décembre 1953.
Au départ, le Bulletin de liaison est servi par abonnement. Il s’est donné pour but de coordonner l’action des groupes. En novembre 1951, changement d’objectif : il s’agit désormais de toucher l’ensemble des chrétiens « ‘qui réagissent d’une manière analogue à la situation actuelle de l’Eglise’ », autrement dit, des militants progressistes. Le Bulletin de liaison veut être désormais un lieu de rencontre entre ceux qui sont engagés dans l’action militante (syndicats, Mouvement de la Paix) et ceux qui restent dans les mouvements d’Eglise. Il entend être aussi la tribune de tous ceux qui souffrent de leur situation présente dans l’Eglise et espèrent des changements.
Du coup, le Bulletin, qui était tiré à 150 exemplaires jusqu’alors, est tiré désormais à 650 exemplaires. Cette augmentation du tirage est permise par le succès de la souscription lancée pour le financement de l’installation rue Bessières, qui a rapporté plus de 400 000 francs et a été rassemblée grâce à de nombreux dons modestes, ce qui a non seulement donné un encouragement aux dirigeants, mais aussi fourni de nouveaux noms de personnes à qui adresser le Bulletin.
D’un numéro à l’autre, on retrouve la même structure : le Bulletin s’ouvre sur un article du père Montuclard qui évoque une question traitée en assemblée ou dans une enquête de J.E. ou une notion de fond qui concerne particulièrement la recherche du mouvement : les formes de la mission ; la possibilité pour les chrétiens de critiquer l’Eglise... Puis vient une méditation de Marie Aubertin sur les textes bibliques. Le numéro 16 d’octobre 1952 reproduit ainsi, sous le titre « Lecture de la Bible en réunion chrétienne », un extrait du long article qui devait constituer le coeur du Cahier : La Bible, livre du pauvre, jamais publié. Ces articles, fondés sur une connaissance intime des Ecritures rappellent le souci d’approfondissement religieux du groupe. La dernière partie du Bulletin traite d’avantage de l’actualité : tel événement est analysé, telle déclaration commentée dans des articles plus brefs où l’on retrouve les signatures de Jacques Dousset, de Cécile et Henri Grabner... Peu de collaborations extérieures : un article du père Chenu, un autre d’Henri Barreau...
A partir de janvier 1953, le Bulletin de liaison devient la tribune d’où le père Montuclard réagit aux mises en cause de la hiérarchie. Ainsi, le numéro 19, sous le titre « Imprégnation marxiste », cherche à tirer les leçons de la mise en garde faite par l’A.C.A. en novembre 1952. Le numéro suivant, intitulé : « A propos de l’évangélisation », répond aux soupçons émis sur une supposée théorie de l’apostolat en suspens professée par Jeunesse de l’Eglise.
Le fichier de J.E. fait mention de 870 abonnés au Bulletin de liaison. Cependant rien ne permet de dire que ce chiffre correspond à la diffusion maximale, puisqu’on ignore si ces données concernent exactement la même époque. Le chiffre de 650 envois donné dans le numéro 6 nous paraît plus fiable comme limite haute du nombre d’exemplaires expédiés.
Neh., 4, 6.