Il semble que de nombreux membres de J.E. s’engagèrent dans le Mouvement de la Paix. L’étude de fichier n’en donne pas confirmation607, mais le dépouillement de la correspondance conservée dans les papiers Montuclard fournit de nombreux signes de cette adhésion.
Le Mouvement de la Paix avait toutes les caractéristiques pour séduire les militants de Jeunesse de l’Eglise. Le groupe des Combattants de la Paix et de la Liberté avait été fondé en 1948 par Yves Farge, avec qui le père Montuclard était lié d’amitié. Dès sa création, ce mouvement, né dans les milieux issus de la Résistance proches des communistes, s’était inscrit dans le refus de la politique atlantiste de la France. S’étant agrégé au Mouvement des Partisans de la Paix, issu du congrès de Wroclaw d’août 1948, il devient un mouvement puissant, appuyé par l’appareil logistique du parti communiste. Toutefois, le souci est constant de donner au mouvement un visage diversifié et d’élargir le plus possible le recrutement des militants. Si ‘« l’emprise communiste sur son combat interdit tout développement massif au Mouvement de la Paix, qui ne rassemblera que 72 000 adhérents en 1950’ »608 et le prive d’être une vraie organisation de masse, cela n’empêche pas des chrétiens assez nombreux d’y adhérer. Dès novembre 1948, le père Montuclard le rejoint, avant d’être le délégué du comité du XIVème arrondissement, lors de son installation comme ouvrier-électricien dans ce quartier.609 Cette « diversité bienveillante » du Mouvement de la Paix convient à tout le monde : elle permet au Parti communiste de rendre visible l’écho de ses combats hors de sa sphère strictement partisane, tandis qu’elle offre une possibilité aux chrétiens de gauche de montrer leur capacité d’action hors des structures confessionnelles, telles que « Pax Christi ». L’heure de gloire du Mouvement de la Paix survient avec la campagne pour l’interdiction de l’arme atomique, lancée par l’Appel de Stockholm le 19 mars 1950. « La simplicité du texte, l’activisme débridé des militants communistes qui consacrent l’essentiel de leur temps à recueillir des signatures, le prestige des intellectuels du Mouvement et des premiers signataires (Michel Simon, Jean Marais, Marc Chagall ...), la crainte d’un conflit armé qu’accentue le déclenchement des hostilités en Corée à l’été 1950, contribuent au succès de ce manifeste »610. Plusieurs membres de J.E. participèrent activement à la campagne de signatures. Le père Montuclard est particulièrement efficace, même si – le détail est intéressant – la jeune communiste qui faisait équipe avec lui dans leur porte à porte déplore qu’il ait troqué sa robe contre un blouson de cuir... Il participe également à l’élaboration de l’affiche « Des chrétiens contre la bombe atomique » et son nom, ainsi que celui de Marie Aubertin, figure parmi les signataires, aux côtés de ceux des pères Desroches et Chenu, de l’abbé Boulier, de Mgr Chevrot...
Sur 123 fiches où la rubrique « engagement » est renseignée, seules 4 portent la mention « Mouvement de la Paix ». Pour comparaison, il y en a 60 pour l’U.C.P. et 33 pour le P.C.F.
Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, tome 1, page 215.
Cf infra, page 289.
Marc Lazar, article « Appel de Stockholm », in Dictionnaire des intellectuels français, page 1084.