I - FACTEUR

Le concept de facteur selon le Larousse (1982, 401) a plusieurs significations ; il peut désigner une profession (fabricant d'instruments de musique ; employé des postes ...) un ensemble d'éléments concourant à la production des biens (cadre économique), un des nombres figurant dans un produit (cadre mathématique), le nombre de neutrons libérés (en chimie) ou encore le facteur Rhésus (en médecine). Ces différentes significations renvoient au concept de cause. Or selon Gassin (1990, 85), en matière de sciences de l'homme et de criminologie en particulier, la causalité est une notion beaucoup plus complexe qui apparaît comme un ensemble de facteurs interdépendants, s'insère toujours dans un cadre spatio-temporel spécifique, s'apprécie en fonction du niveau auquel on se place et non de manière globale (Gassin, 1990, 85).

Ainsi, la causalité comme concept a conduit la criminologie moderne à recourir au concept de facteur considéré par ailleurs comme concept analytique (Gassin, op. cit.). Ce qui signifie que le facteur doit être distingué de la cause laquelle absorbe toute la causalité du phénomène, alors que le facteur n'est qu'un élément qui influence le résultat, un élément objectif qui entre dans la causalité d'un phénomène.

Par ailleurs, le facteur ne doit pas être confondu avec l'indice ou le symptôme qui n'ont pas de signification causale (Gassin, op. cit.) ; il ne doit pas être non plus confondu avec le régulateur (Cusson, 1994, 135).

Cette classification nous permet d'envisager surtout, le problème en termes de facteurs multiples. Dans cette perspective, la criminologie contemporaine, au sein de la catégorie «facteur» a élaboré des modèles qui ont révélé leur fécondité épistémologique : facteurs criminogènes et facteurs de résistance ou d'inhibition ; facteurs-conditions et facteurs-causes ; facteurs favorisants ou prédisposants et facteurs déclenchants ; facteurs déterminants (encore appelés facteurs-clés ou facteurs-lourds) et facteurs secondaires ; enfin facteurs criminogènes et causes de capture par la police en conséquence du procès pénal et de la prison pour les criminels (Gassin, op. cit., 86). Notons toujours avec Gassin pour intérêt historique que l'utilisation du concept de facteur sous sa forme plurielle est à rechercher dans les premières explications scientifiques du phénomène criminel avec la théorie multifactorielle de Ferri (op. cit., 165).

En ce qui nous concerne, nous nous situerons dans ce cadre multifactorialiste mais dans une autre perspective en partant de l'étymologie où le facteur est pris comme agent ou élément qui concourt à la production ou au développement d'un phénomène ou d'un résultat. Cependant, contrairement aux distinctions précédentes, nous intégrerons le facteur endogène au sein du facteur exogène, avec l'esprit que le premier est difficilement identifiable et mesurable sans le second qui l'inhibe ou favorise son expression et avec l'hypothèse qu'il est difficile d'établir la part du milieu et de l'acquis dans le développement de la personnalité de l'individu. Car en chaque individu, donné et acquis interfèrent d'une manière singulière, spécifique de sa propre personnalité, étant donné par exemple que la vie prénatale est partiellement fonction du milieu «maternel», c'est-à-dire de l'état physiologique et psychologique de la mère (Filloux, 1980).

Ainsi par rapport à cette typologie dualiste (facteur endogène/facteur exogène, facteur interne/facteur externe) nous optons pour une discrimination, une hiérarchisation et une interaction des facteurs. Etant donné que selon les niveaux de développement de la délinquance les facteurs ne peuvent pas avoir les mêmes impacts, nous distinguons les facteurs criminogènes primaires, secondaires et tertiaires à l'intérieur desquels nous établissons d'autres catégorisations par rapport à leur impact sur le développement de la délinquance : Dysfonctionnements familial et social rapprochés, Personnalité à risque délinquant et déclencheurs, ceux-ci étant également primaires, secondaires et tertiaires.