2 - DEFINITION SOCIOLOGIQUE

Dubet (1987) a fait une synthèse des théories de l'analyse sociologique de la délinquance en termes de classes sociales. Cette analyse s'inscrit dans deux perspectives nettement différentes selon que la dimension de classe caractérise l'action délinquante elle-même ou selon qu'elle définit la «nature» de classe, du contrôle social et de la stigmatisation qui «construit» la délinquance. Dans le premier cas, la logique de classe renvoie à une définition endogène, dans le deuxième cas, à une définition exogène. Dans la perspective exogène, la délinquance est l'expression d'une société de classes, moins parce que la situation sociale des acteurs appelle la délinquance, que par la logique «de classe», de l'ordre, du contrôle et de la stigmatisation qui désigne les victimes de la répression. Elle est une conduite de classe car les appareils et l'ordre qui la répriment relèvent d'une domination de classe.

Dans la perspective endogène, les conduites délinquantes sont interprétées de l'«intérieur» en termes de classes ; trois orientations sont développées :

- lorsque la classe sociale est définie comme une communauté et comme une culture, la délinquance juvénile est le produit d'un ensemble de dispositions normatives et culturelles spécifiques, comme conduite de classe ; les modes d'éducation des jeunes, la liberté dont ils jouissent, leur précocité les désigneraient comme des délinquants potentiels.

- Lorsque la classe est conçue comme une strate, comme un niveau, la délinquance est articulée sur l'inégalité des ressources disponibles pour chaque catégorie et sur la relative homogénéité des aspirations de ces divers groupes.

- Lorsque la classe est conçue comme un facteur collectif et la conscience de classe, la délinquance juvénile est une forme de «révolte sociale».

L'analyse en termes de classe sociale, en situant la délinquance dans un contexte politico-socio-économique axé sur les exclusions des jeunes au plan social nous permet de comprendre davantage le sens des conduites délinquantes chez les adolescents. Cependant, appliquée à notre contexte, nous pouvons nous demander si les adolescents délinquants ont toujours cette conscience de classe et s'ils réagissent par rapport à celle-ci. Nous pouvons également nous demander si les exclusions socio-économiques rendent compte en totalité des comportements délinquants des jeunes dans la mesure où face aux mêmes sollicitations extérieures, l'intériorisation de celles-ci ne se fait pas de la même manière en passant d'un sujet à un autre. Par ailleurs, l'élargissement de la notion à toute marginalité ou à toute déviance pourrait conduire à assimiler l'enfant dans la rue, à l'enfant de la rue et celui-ci à l'enfant délinquant. Or il existe une différence entre ces trois catégories bien que les frontières qui les séparent ne soient pas très nettes à notre sens. L'enfant dans la rue est celui qui exerce un petit métier dans la rue et l'enfant de la rue est celui qui a «choisi» la rue comme mode de vie permanent et qui a rarement contact avec la famille. (Koudou O., 1996a ; Marguerat, 1989). Le délinquant est celui qui a passé aux actes.

Il y a donc des risques de trop élargir la notion, tous les enfants abandonnés dans la rue et de la rue n'étant pas forcément des délinquants. Il faudrait plutôt les assimiler à ce que Peyre (1986, 77-78) nomme «des groupes à risques» ou des enfants abandonnés, en danger ou en situation de carence (Lahalle, 1994, 203).

Enfin, une limite importante est la mise en rebut de l'individu dans le développement de la délinquance, aspect que prend en compte l'approche psychologique.