Cette définition s'articule autour de trois axes : la délinquance comme rôle, la délinquance comme syndrome et la délinquance comme comportement.
Mucchielli (1971, 131) établit une distinction entre la délinquance vraie et la fausse délinquance. La première est conçue en tant que rôle et se définit «comme une structure de la conscience et de la conduite..., se caractérise par l'agressivité, l'exploitation d'autrui, le comportement anti-social, la haine de l'autorité, une tendance à la destruction des biens et des personnes.... La plus essentielle est de considérer la délinquance comme une structure particulière de la personnalité totale, c'est-à-dire de reconnaître le caractère spécifique, irréductible, original de la conduite et durable à l'égard de l'environnement et de la société. La délinquance vraie est une certaine tendance de la conduite définitive, du moins potentiellement, en mettant dans cette caractéristique, non pas tant la chronicité possible mais l'organisation interne consistante de l'univers du délinquant» (P. 15). Selon l'auteur, les psychopathes qui commettent des délits sont de faux-délinquants. «Car la délinquance vraie manifeste (....) avant tout un échec de la socialisation. Elle se caractérise par le refus de l'engagement et le refus de jouer un rôle social (...). Le délinquant vrai, c'est celui qui refuse du travail comme fonction sociale, c'est celui qui manifeste un désintérêt pour l'avenir» (MUCCHIELLI, 1971, 15).
Cette définition de la délinquance comme rôle nous paraît ambiguë car fait de tout désoeuvré un délinquant, celui-ci, ne travaillant pas refuserait de jouer un rôle social. Or si nous tenons compte du fait qu'en Côte d'Ivoire les exclusions professionnelles sont pratiques courantes chez les étudiants en quête de premier emploi, les déscolarisés et les chômeurs, (Bony, 1998) surtout dans un contexte de réajustements structurels permanents ou encore de dévaluation avec en toile de fonds compressions de travailleurs et réduction de postes budgétaires liés au recrutement. Définir la délinquance à partir de l'absence de travail paraît inadapté. L'auteur ne nous dit pas si ce refus est conscient ou inconscient. Suivant toujours la logique de l'auteur, tout individu qui travaille ne peut être délinquant. Or il peut s'agir de sujet fortement adapté au réel et dont la capacité criminelle est élevée, donc de sujet qu'on ne peut soupçonner à priori. La délinquance dans ce cas est le plus souvent une délinquance organisée, une délinquance astucieuse. D'ailleurs en Côte d'Ivoire nous avons connaissance d'un certain nombre de délits commis par ceux-là mêmes qui travaillent donc qui jouent un rôle social. Les détournements de fonds et enrichissements illicites des responsables politiques mais aussi des policiers, huissiers de justice et agents des eaux et forêts agressant et pillant les sacs et magasins sont des exemples éloquents. 1
La notion de délinquance comme refus de jouer un rôle social pose donc problème par rapport à notre société en mutation socio-économique et culturelle.
Consulter le quotidien Ivoir Soir du mardi 11 juin, Sii, 1991, 1.