1.3 - Pauvreté socio-économique

Des travaux re-introduisent le concept de pauvreté dans l'explication de la délinquance juvénile en Afrique en s'appropriant les données sur les origines sociales des enfants et jeunes. A partir de cet instant, la délinquance apparaît comme un problème essentiellement économique, c'est-à-dire un problème où la motivation principale est d'ordre économique (Kouassi, 1982, 32) pour la simple raison que le taux de croissance impose des tensions sur les ressources des villes qui ne sont pas en mesure de suivre le rythme de croissance ; le Développement est inégal et mal équilibré ; «on trouve des quartiers bien développés et dotés de tous les services à côté de zones de pauvreté extrême (...). La ville présente des extrêmes de richesse et de pauvreté, de village et de privation dont les contrastes pourraient naturellement par envie et jalousie entraîner un mécontentement» (Dinitz, 1982, 293). Ainsi, ce n'est pas la pauvreté en tant que telle qui est déterminante mais la situation de frustration qu'elle crée chez l'enfant démuni comparé à celui qui est aisé matériellement. La délinquance serait donc une réaction à l'encontre de ces inégalités sociales, de ces injustices. Par ailleurs, dans des familles où les revenus mensuels sont insuffisants voire dérisoires pour subvenir aux besoins (nourrir, loger, vêtir, scolariser, soigner) des enfants de plus en plus nombreux, la satisfaction de ces besoins pose d'énormes problèmes aux parents. Ces enfants se retrouvent dans les rues où ils mendient presque ou encore se prostituent (Mungal, 1987, 433). Il y a donc ici des difficultés qu'éprouvent des communautés défavorisées pour la prise en charge de leurs enfants encore moins les enfants des autres devant surtout le phénomène de la déperdition scolaire et du coût des études (Nimy, 1987, 444). Le thème économique apparaît dans les travaux de Derquer (1987, 37) qui, montre que les enfants dans et de la rue de Bouaké rejoignent la rue surtout pour répondre à des besoins économiques. La pauvreté est donc au coeur de la problématique des enfants et adolescents africains. Dans un cadre particulier comme la prostitution à Abidjan, (Kouassi G., 1987, 37), les conditions socio-économiques mises en cause ne sont pas différentes de celles de jeunes prostituées de Dakar issues de familles pauvres et financièrement incapables de subvenir aux besoins de tous leurs membres (Abdoulaye, 1987, 466).

Si l'hypothèse des conditions socio-économiques est séduisante, il nous faut tout de même la prendre avec quelque réserve pour trois raisons principales à notre avis : les adolescents inadaptés sociaux dont les statistiques dénoncent la pauvreté socio-économique représentent en réalité ceux qui ont été pris dans les filets de la police donc ceux qui naturellement «courent moins vite» ; et s'ils «courent moins vite», c'est surtout parce qu'ils n'ont pas de parents de statut social et politique favorisé et pouvant intervenir afin qu'ils échappent aux statistiques policières et judiciaires. La deuxième raison, c'est qu'en jetant un regard dans le service de psychologie de la Direction Régionale du Sud (affaires sociales), les enfants inadaptés sociaux sont issus de familles économiquement modestes. C'est donc à la fois partiel et partial lorsque nous invoquons le facteur économique surtout dans une société Ivoirienne où les populations sont de plus en plus paupérisées économiquement : troisième réserve, le document de travail n°29 portant sur l'étude de la mesure des niveaux de vie en Côte d'Ivoire élaboré par la Banque Mondiale révèle que 40 % de la population représentant les couches les plus pauvres absorbent 14 à 15 % de la consommation totale alors que les catégories riches qui représentent 20 % de la population en absorbent 49 à 51 %. (Glewwe, 1988, 1-51). La question que nous pouvons nous poser par rapport à ce facteur, c'est pourquoi dans ce même contexte de pauvreté socio-économique, tous les enfants issus de familles «pauvres» ne passent-ils pas à l'acte ? Il y a donc des limites (Bassitché, 1994) et dans, ce cas il conviendrait d'interroger tout le corps social (Hérault, 1997, 4), même si Bony (1998) apporte un éclairage sur la question, en mettant notamment une relation entre le chômage et la criminalité.