1.5 - Scolarisation

L'école constitue-t-elle un facteur criminogène chez l'enfant et l'adolescent africains, c'est-à-dire provoque-t-elle ou favorise-t-elle simplement l'émergence des inadaptations sociales par un mécanisme que nous nommons «déclenchant externe» ? C'est à cette interrogation que des auteurs ont tenté de répondre, se demandant de plus en plus si l'échec de l'école n'est pas le facteur clef d'explication des comportements délinquants juvéniles pour les raisons suivantes : elle a bouleversé dans les villages les liens et les relations entre les jeunes et les anciens et a introduit un élément de promotion sociale qui n'a rien de commun avec les valeurs ancestrales ; elle fait miroiter la promesse d'une mobilité sociale qui ne peut se réaliser que par la ville et que celle-ci ne peut accorder qu'à une minorité de privilégiés (Brillon, 1980b, 137). Par ailleurs, l'école «africaine moderne» se traduit par une inadaptation des systèmes d'éducation et de formation du type classique ; incapable d'assumer pleinement les objectifs du développement d'une Afrique vivant à l'heure de sa transformation socio-économique et culturelle, d'intégrer effectivement les jeunes à l'emploi et aux structures de production. La déperdition scolaire qui en résulte et la mauvaise intégration des «élèves en sont les résultats visibles et constituent un problème grave dont les incidences se font sentir de façon directe sur la déviance, un mal qui prolifère chaque jour dans nos sociétés» (Mungal, 1987, 479).

Par rapport à ces données en ce qui concerne la Côte d'Ivoire, la scolarisation semble intervenir dans les processus d'exclusion en introduisant (par exemple) la compétitivité comme mode de vie au détriment de la complémentarité et en exacerbant l'individualisme, l'égocentrisme et en provoquant le rejet des plus démunis (Derquer, op. cit., 413-414). Plus précisément, la déscolarisation liée à la famille et les pratiques éducatives rigides des maîtres seraient impliqués dans l'inadaptation sociale des jeunes en Côte d'Ivoire (Koudou K., 1990). A travers ces écrits l'école en Afrique ne saurait être niée dans le processus de marginalisation de la jeunesse africaine voire dans l'émergence des comportements délinquants si l'on considère les redoublements et déperditions en cours de cycle dont sont victimes les enfants. Mais l'école ne peut directement être le facteur déterminant des comportements délinquants juvéniles dans la mesure où tous les déscolarisés ne sont pas tous des délinquants et tous les scolarisés tous des adaptés sociaux. L'école peut agir, mais certainement par processus progressif d'exclusions qu'il faudrait identifier si nous voulons appréhender réellement son poids dans la problématique de la jeunesse. On comprend dès lors pourquoi Koudou K. (1990) l'a associée avec la famille. Ce qui signifie que isolé, le facteur scolarisation ne suffit pas. Il faut donc rechercher les autres facteurs auxquels il est lié et qui ensemble pourraient expliquer le développement de la délinquance juvénile.