4 - MODELE LONGITUDINAL EXPERIMENTAL SUR L'AGRESSION PHYSIQUE DE MONTREAL

Ce modèle s'articule sur la prédiction et l'intervention expérimentale.

4.1 - De la prédiction

Tremblay et collaborateurs ont élaboré des travaux portant la plupart sur l'agression physique des enfants et adolescents dans une perspective prédictive. Il est possible de regrouper les prédicteurs autour de six points : l'âge, les acquis scolaires, les caractéristiques neuropsychologiques et psychologiques, l'usage précoce des stupéfiants, les troubles de comportement à l'enfance et le milieu socio-familial.

Par rapport à l'âge, Farrington, Loeber, Tremblay et al. (1990, 329) notent que l'âge est un meilleur prédicteur de la continuation de la carrière criminelle. Les sujets âgés de moins de dix ans ayant commis des délits tendent à commettre de plus en plus de délits sur une longue période.

Par rapport à l'école, l'association existant entre l'insuffisance à l'école (ou faible acquis scolaire) au milieu de l'école élémentaire et la délinquance juvénile tardive (14 ans) est précédée par les désordres comportementaux (Tremblay et al., 1992, 69).

Par rapport aux caractéristiques neuropsychologiques et psychologiques, une étude (Robert, Tremblay et al., 1995a) a utilisé des tests cognitifs et neuropsychologiques sur 177 adolescents agresseurs physiques de 6, 10 et 12 ans de trois groupes : stabilité agressive, instabilité et non agressivité. Les résultats indiquent : - dans le contexte multivarié, les tests de fonctions exécutives sont fortement associés à l'agression physique ; - les adolescents stables dans l'agression physique éprouvent des difficultés dans les fonctions d'exécution ; - les facteurs sociaux sont liés significativement et exclusivement à l'apprentissage verbal ; - les détériorations dans les fonctions cognitives qui sont associées à la délinquance sont également associées à l'agression physique (P. 620). Toujours dans le contexte des caractéristiques psychologiques, Tremblay, Robert, et al. (1994a) notent que l'impulsivité est le meilleur prédicteur de la précocité de l'émergence, de la stabilité et de l'aggravation du comportement délinquant. Par contre, l'anxiété et la dépendance à la récompense y contribueraient faiblement (P. 732). Dans une étude expérimentale de Montréal, Tremblay (1995b) note que la petite enfance est probablement la période de vie où l'on observe le plus grand nombre d'agressions physiques stables entre 6 et 12 ans. A partir d'une évaluation des enseignants, il apparaît que les individus qui courent le plus de risque de développer des comportements antisociaux sont hyperactifs (Hyp+), peu anxieux (Anx-) et peu altruistes (Pro-) en termes d'effets combinés des trois variables (P. 142). Vitaro et al. (1997, 1769) révèlent qu'il existe une relation entre l'impulsivité du début de l'adolescence et le fait de miser au jeu à la fin de l'adolescence. Par ailleurs, l'interdiction semble protéger la perturbation et la non perturbation des garçons contre la délinquance. Les garçons perturbés et non interdits ont plus de possibilité de devenir délinquants (Kerr et al., 1997, 809). Dobkin, Tremblay et Mc Duff (1997, 453) montrent que les garçons de groupe anxieux sont dans plusieurs cas l'image de garçons ayant pour caractéristique la perturbation. Ils sont plus engagés à prendre des risques de santé comportementale et avoir des accidents. Enfin selon Gendreau, Tremblay et Oligny (1998, 383) l'agression proactive estimée par les enseignants lorsque les garçons ont 12 ans prédisent la délinquance, les désordres provocants d'opposition et les désordres comportementaux.

Du point de vue de l'usage des substances abusives, Dobkin, Tremblay, Vitaro et Mâsse (1995c) notent que l'usage précoce des stupéfiants est un marqueur indiscutable de l'inadaptation future chez les adolescents et que les caractéristiques individuelles comme disputes, hyperactivité, conduites d'opposition et altruisme constituent des pivots dans le développement de l'usage des stupéfiants plus que les caractéristiques des pairs (P. 1198). Les désordres comportementaux au préscolaire et à l'école élémentaire chez les garçons sont un haut risque d'émergence précoce de la délinquance (Dobkin, Tremblay, Vitaro et Mâsse, 1995d, 664). Récemment, deux études relèvent que la perturbation du comportement des garçons et la pénurie alimentaire de la mère sont des prédicteurs précoces de l'usage de la drogue (Dobkin, Tremblay, Sacchitelle, 1997, 86 ; Dobkin, Charlebois, Tremblay, 1997, 546).

La perception de la supervision parentale et la punition apparaissent comme d'excellents prédicteurs de la délinquance après l'estimation de l'adversité familiale (Haapasalo, Tremblay, 1994b, 1051).

Ainsi, du point de vue de la prédiction de la délinquance chez l'enfant et l'adolescent, il est possible de formuler la conclusion suivante à partir d'un récent travail de Tremblay et al. (1996) : - l'agression physique est associée au niveau socio-économique des parents (pauvreté). - l'intégration à un groupe agressif est associée à l'absence de deux parents biologiques (1996, 7). Les sujets sont hyperactifs, inattentifs, anxieux et peu altruistes (1996, 8). Cette conclusion apparaissait déjà dans une étude antérieure comparée Pulkinen and Tremblay, 1992)..

En définitive, l'agressivité des garçons dans les jardins d'enfants est associée aux caractéristiques individuelles et familiales (Tremblay, 1995b, 28). Une étude montre dans ce sens que les enfants courent plus de risque lorsque le divorce sans consentement apparaît avant 6 ans (Pagani et al., 1997a, 769 ; Pagani et al., 1997b, 489). Ceci montre par ailleurs que les pairs ne sont pas une étape nécessaire du passage des désordres comportementaux à la délinquance précoce (Tremblay, Mâsse, and al., 1995e, 664). Cependant, récemment Vitaro et Tremblay (1998, 62) soutiennent les modèles théoriques réservant un rôle médiateur aux amis déviants dans le passage des comportements agressifs-hyperactifs à la délinquance (Vitaro et al., 1997, 676). Quelle est à présent l'approche préventive ?