5 - INSTRUMENTS DE COLLECTE DE L'INFORMATION

Nous avons utilisé l'entretien clinique de recherche axé sur l'histoire personnelle des sujets (Castarède, 1995, 141).

L'entretien clinique nous a permis d'obtenir de nombreuses informations qui seraient tues s'il s'agissait seulement d'un questionnaire. Les motivations des acteurs sociaux, les interactions entre eux ont pu être appréhendées grâce à cet instrument.

Autre instrument utilisé, le questionnaire avec interviews semi-structurées, administré aux deux groupes d'adolescents mais individuellement et de manière indépendante.

Ce questionnaire est en réalité un questionnaire de développement de la délinquance et d'adaptation socio-personnelle. Il contient 126 items subdivisés en cinq parties A, B, C, D, E.

La partie A est relative aux variables d'identification. La partie B porte sur la période, le lieu, la nature et le pourquoi du premier délit, les conditions familiales, psychologiques et sociales qui ont prévalu lors de l'émergence de ce premier délit. Cette partie porte également sur la connaissance du délit par les parents, les rapports avec les pairs etc. La partie C porte sur la continuation de la délinquance, les facteurs de cette continuation, la nature, la fréquence, les formes et les conditions familiales, psychologiques et sociales qui ont entouré cette poursuite de la délinquance. Cette partie porte également sur le désistement de la délinquance, les conditions familiales, psychologiques et sociales qui ont entouré le désistement. La partie D est relative à l'arrestation de l'adolescent par la police, aux délits précédant cette arrestation, à leur lieu de commission, aux conditions familiales, psychologiques et sociales qui ont prévalu avant l'arrestation et à l'âge de l'arrestation. Cette partie concerne également la présence du mineur au Centre d'Observation, ses rapports avec les autres mineurs du centre, mais aussi avec les Educateurs de ce centre et les adultes délinquants de la MACA. Il est également fait mention des relations du mineur avec la famille et les pairs hors du centre, les délits commis dans ce centre. Cette partie porte également sur les repères socio-moraux véhiculés par les parents et les attitudes de l'adolescent à l'égard de ces repères. La partie E présente des situations problématiques (dilemmes socio-moraux) ; au total cinq situations exigeant des résolutions de problèmes. Les thèmes de ces situations sont à la fois impulsivité-tolérance ; impatience-endurance ; intérêt personnel-intérêt collectif ; tendance au mensonge-vérité ; abus de confiance-confiance ; absence de remords-différence affective ; tendance au vol-respect du bien d'autrui.

Si le questionnaire a permis de suivre l'évolution des adolescents, les techniques projectives, troisième type d'instrument ont contribué à mesurer des traits psychologiques dans l'état actuel de cette évolution. Ces techniques sont au nombre de trois : le Thèmatic Apperception Test (T.A.T.) pour l'étude des besoins ou traits conscients et inconscients ; le Test du Dessin de famille pour la représentation familiale et le Stein Sentence Completion Test (Test de Stein) pour la Représentation de soi.

Le T.A.T. (Murray, 1950, 1) trouve son utilité dans toute étude approfondie et dans l'interprétation des désordres du comportement en ayant pour principe de raconter des histoires sur des planches (vingt dont une blanche à l'origine) sous l'impulsion du moment et une prédominance de deux tendances psychologiques : la tendance du sujet à interpréter une situation humaine ambiguë en se référant à ses expériences passées et ses besoins du moment et la propension à faire de même quand on écrit des histoires : recourir à ses expériences passées et ses besoins conscients ou inconscients (Murray, op. cit., 2).

Alors que l'analyse et l'interprétation des histoires s'articulent autour de cinq points (le héros ; les mobiles, tendances et sentiments du héros ; les forces en provenance du milieu ; les dénouements et les thèmes), notre travail portera sur le second point c'est-à-dire les mobiles, tendances et sentiments des héros qui en d'autres termes sont des besoins.

Conformément à la nouvelle orientation, le choix des planches est opéré selon les problématiques des sujets ; par conséquent, au lieu de vingt planches, nous avons utilisé onze (dont une planche blanche) numérotées ainsi : I, II, 3BM, 4, 6BM, 7BM, 10, 12M, 13B, 18BM. Il s'agit de planches qui en général conviennent aux deux genres et à tous les âges (I, II, 4, 10) ; aux garçons et adultes masculins (3BM) et aux individus masculins âgés de plus de 14 ans (M) (Murray, op. cit., 23-24).

En définitive, il s'agit de mettre à nu à travers ces planches des traits psychologiques des sujets.

Le Test du Dessin de famille, celui de Corman (1978, 6) est un test de personnalité interprétable également à partir des lois de la projection ; d'application facile, il est toujours bien accepté par les enfants et adolescents. La consigne consiste à demander aux sujets de dessiner une famille, une famille d'invention. Ce test permet de projeter les tendances refoulées de son inconscient et de révéler les véritables sentiments que le sujet éprouve pour les siens et précisément pour l'environnement familial. Alors que l'interprétation repose sur les niveaux graphiques (manière de se servir d'un crayon et de tracer), les structures formelles (manière dont est dessinée chaque partie du corps) et le contenu, nous avons axé notre interprétation sur le dernier niveau (le contenu), qui est celui de l'interprétation psychanalytique. Celle-ci est opérée à partir des tendances et défenses du moi qui sont : valorisation du personnage principal ; dévalorisation ; personnages barrés ; déplacement ; personnages surajoutés ; liens et relation à distance et identification (Corman, op. cit., 48-74).

Le Test de Stein est une technique de phrases à compléter ; il est considéré comme une technique projective rapide parce que faisant appel à une réponse immédiate, plutôt émotionnelle. Ce test a été utilisé avec succès au Centre de Recherche Interdisciplinaire de Vaucresson (Algan, 1980) et par nous-mêmes (Koudou O., 1989, 1993a, b ; 1994 ; 1996b ; 1997d) et permet d'obtenir des données concernant les émotions difficiles à exprimer (angoisses, rêves, besoins, désirs), les expériences relationnelles, l'image de soi et d'autrui, la dimension temporelle de l'identité.

Initialement, le Test comporte cinquante phrases et son avantage, c'est qu'il peut être construit selon le problème que l'on désire étudier, sur mesure (Anzieu, Chabert, 1992). Ainsi, nous avons retenu sept items (nos 8, 10, 12, 14, 42, 45, 47) axés sur l'identité tant il est vrai que l'image de soi est une constante dans le vécu des sujets, surtout délinquants.

Il apparaît que ces techniques projectives peuvent nous permettre d'identifier chez les adolescents des traits psychologiques (Représentation de l'autre, Représentation de soi, agressivité, besoins de sécurité etc.) susceptibles de nous éclairer sur l'aggravation des comportements délinquants. Au total, le questionnaire et les trois techniques projectives pourraient certainement nous permettre d'atteindre un large éventail de traits psychologiques que le Rorschach combine en quatre traits (égocentrisme, agressivité, labilité affective et Indifférence affective (Pinatel, 1991, 187) ou en deux traits inspirés des quatre traits (Favard, 1991, 115-129) et de ce point de vue nous aiderait à différencier les sujets (Bartram, 1994, 10). Notons que les tests projectifs constituent le meilleur outil psychologique capable d'évaluer avec des nuances, l'adaptabilité d'un sujet, celle-ci étant considérée comme un des critères de la normalité psychique (Anzieu et Chabert, 1992, 317-318).

L'utilisation de plusieurs tests, l'un après l'autre à des temps différents a pour but de nous conduire vers la convergence d'indices chez les adolescents, chaque test appréhendant un ou quelques aspects de la personnalité des sujets. Enfin, précisons que ces trois épreuves projectives ont été utilisées pour l'état présent des adolescents.