1.1 - Exclusions familiales au 3e degré

Les exclusions familiales au 3e degré s'articulent sur deux composantes principales : le refus de visites parentales et la négation de l'adolescent comme enfant.

1.1.1 - Refus de visites parentales

La question est celle de savoir si les parents réels ou substituts rendent des visites à leurs enfants lorsque ceux-ci sont pensionnaires au Centre d'Observation des Mineurs. Combien sont-ils ceux qui reçoivent des visites ? Quelle est la représentation de l'absence des visites parentales par les pensionnaires ?

V I S I T E S
Effectif%  
Visites2619,7  
Aucune visite10680,3  
TOTAL132100  
FREQUENCE DES VISITES
Effectif%  
Souvent934,6  
Quelque fois1246,2  
Rarement0519,2  
TOTAL26100  
IDENTITE DES VISITEURS
Effectif%  
Père415,4  
Mère726,9  
Grande sœur519,2  
Grand-frère311,5  
Oncle27,7  
Tante311,5  
Ami27,7  
TOTAL26100  

Ils sont nombreux les adolescents de justice qui ne reçoivent aucune visite des parents (80,3 %) au contraire de ceux qui en reçoivent (19,7 %) ; même chez ceux-ci (N = 26), les visites ne sont pas toujours régulières : souvent (34,6 %) ; quelque fois (46,2 %) ; rarement (19,2 %). Celles qui rendent visite souvent sont les mères (26,9 %) et les grandes-sœurs (19,2 %). Ainsi les visites sont plus irrégulières que régulières certainement parce que la plupart des pensionnaires ont la rue comme mode de vie permanent et sont par conséquent rarement en contact avec les parents qui les ont abandonnés et rejetés depuis l'enfance et le début de l'adolescence. Quelles sont les représentations des visites parentales par les adolescents et quels sont leurs désirs par rapport aux visites parentales d'une manière générale ?

Tableau 59 : Représentation des visites parentales
EFFECTIF%
Réconfortantes1246,2
Rapprochement des familles0726,9
Aident énormément0519,2
Autres027,7
TOTAL26100

Khi-deux = 17,08 ; Khi-deux S au seuil de 0,001 pour 3dl. P(x ≥ 16,27) = 0,001.

Chez les adolescents ayant reçu des visites, celles-ci sont perçues le plus souvent comme réconfortantes (46,2 %) et rapprochant les familles (20,9 %). Chez quelques-uns, les visites aident énormément (19,2 %). En d'autres termes les visites parentales sont perçues positivement : «Les visites des parents montrent qu'ils s'intéressent à moi» ; «Avec les visites, on est ensemble» ; «Quand les amis ont des visites et je n'en ai pas, je ne suis pas content» ; «Les visites me font du bien». Il s'agit ici de visites effectivement reçues et non de représentations de visites parentales d'une manière générale.

Tableau 60 : Désirs des adolescents de justice par rapport aux visites parentales
A.J. ayant reçu des visitesA.J. n'ayant pas reçu de visitesTOTAL  
Effectif %Effectif% Effectif%
Visites souhaitées
24
régulièrement

83
88
92,3

84,8
112
Visites souhaitées de temps en temps
02

14,2
15
7,7

12,9
17
Visites non
00
souhaitées

02,8
03
00

02,3
03
Total26 100143100 178100

X2 NS entre les deux sous-groupes

Les adolescents de justice (ceux ayant reçu des visites et ceux ne les ayant par reçu) qui souhaitent recevoir régulièrement des visites parentales sont nombreux (84,8 %) au contraire de ceux qui les souhaitent de temps en temps (12,9 %) ou qui ne les souhaitent pas du tout (02,3 %). Ceci paraît a priori paradoxal étant donné que ces adolescents ont été constamment abandonnés (abandons primaire et secondaire) et que les antécédents familiaux sont négatifs : A. P., 15 ans : «Malgré que je ne les vois pas, je serais content si on me rendait visite» ; O. S., 16 ans : «Toutes les semaines, je souhaite recevoir des visites» ; E. S., 17 ans : «C'est mon souhait qu'on vienne me voir». Le refus de visites parentales chez une catégorie d'adolescents (02,3 %) pourrait s'expliquer par l'existence de rancœurs, de traces conflictuelles liées aux antécédents familiaux mais qui pourraient en fait signifier une formation réactionnelle : l'attente de visites jamais satisfaites s'étant transformée en refus de visites du genre S. E., 16 ans : «s'ils ne veulent pas me voir, je ne veux pas non plus les voir». P. A., 16 ans : «Ils ne me regardaient pas, donc je ne veux pas les voir aussi» ; O. O., 16 ans : «Je n'ai pas besoin d'eux» ; «Ils sont contents que je sois ici». De ce point de vue l'absence de visites parentales pourrait expliquer à ce stade de développement des adolescents l'aggravation des comportements délinquants. Mais celle-ci suffit-elle pour rendre compte de l'aggravation de la délinquance ? La négation de l'adolescent comme enfant ne pourrait-elle pas contribuer aussi à l'aggravation de la délinquance ?