2.2 - Etude de cas portant sur les facteurs criminogènes

2.2.1 - Cas des facteurs criminogènes primaires

6. Cas E. KOUAME, 14 ans.

- Histoire

Kouamé est un adolescent au Centre d'Observation des Mineurs (C.O.M.) de Yopougon. Lorsque nous l'y avons rencontré, il s'y trouvait il y a 6 mois. Issu d'une famille de cinq enfants dont il est le cinquième, Kouamé vit avec ses parents : le père est policier et la mère est ménagère.

Compte tenu des difficultés financières de la famille, le père a confié Kouamé à un de ses frères lorsque l'enfant avait 5 ans, sous prétexte surtout qu'il présentait un caractère insupportable.

En réalité, selon Kouamé, «Papa n'était pas souvent à la maison ; nous nous trouvons seuls ; là-bas avec mon oncle, ça n'allait pas bien aussi».

Après un séjour (2 ans) chez son oncle, il revint au domicile familial à l'âge de 7 ans pour l'école. Après 12 ans, il était encore au CE1 dans un contexte où la plupart de ses frères n'ont pas réussi à l'école : un seul a pu parvenir en Terminale. Ces échecs permanents ont conduit le père à mettre fin à sa scolarité. Kouamé selon ses propos se sent «abandonné, délaissé» ; «je me sentais comme quelqu'un de rejeté car je voyais les autres enfants de mon quartier qui étaient bien avec leurs parents». Selon Kouamé, le père et même d'autres personnes le considéraient comme «un bandit», «un casse-pieds» ; le père étant donné son absence fréquente n'était pas écouté par son épouse : «c'est maman qui faisait tout pour nous nourrir ; de fois elle criait sur papa ; je donnais raison à ma mère mais parfois aussi je disais qu'elle diminuait papa ; ça fait que les grands ne le respectaient plus ; moi-même de fois aussi. Je sentais que c'était dur de trouver à manger, de s'habiller, d'avoir des cadeaux et même de causer avec les parents. En tout cas je pensais à mes propres problèmes ; c'est comme cela que j'ai commencé à être dehors surtout que je n'allais plus à l'école. J'ai trouvé quelques amis qui n'allaient pas à l'école comme moi et nous sortions ensemble pour nous débrouiller dans les marchés, dans la rue. Et depuis 2 ans, nous sommes ensemble. C'est en se débrouillant pour manger parce qu'on avait faim que j'ai volé surtout que je pensais qu'on ne me voyait pas (silence) ; or on me suivait des yeux (silence). J'avais en tout cas l'habitude et c'est là qu'on m'a pris (silence). Et donc je suis ici pour vol (silence). Mes parents ne sont pas encore venus me voir ; je ne sais pas s'ils viendront parce qu'ils ne s'occupaient plus de moi ; ils m'avaient abandonné (silence) ; je pense que si on s'était occupé de moi, ça n'allait pas arriver».

- Interprétation

A la lumière de l'histoire de Kouamé, il apparaît que trois grands facteurs ont contribué à l'émergence de la délinquance : dysfonctionnements familial et social rapprochés (rejet, abandon, dévalorisation des parents, échec à l'école), sentiments d'abandon et de rejet et déclencheurs (sollicitations de pairs marginaux, besoins de manger, de s'habiller, d'avoir des cadeaux, besoins affectifs). Il faut aussi noter que les sentiments d'abandon et de rejet comme variables psychologiques se présentent ici comme des construits des rejets et abandons familiaux.