1. Fiction : définition

Le mot «fiction» est formé à partir du mot latin ‘«’ ‘fingere’ ‘»’ ‘ 8 ’ ‘’qui signifie «façonner, fabriquer» : en ce sens, il renvoie à la notion de construction, d'élaboration. Le verbe «fingere» signifie également «se représenter, imaginer» : en ce sens, il renvoie à un mode de fonctionnement de la pensée. Le dernier sens du verbe latin -»inventer faussement, forger de toutes pièces»- renvoie à la notion de vérité ou de mensonge : en ce sens, il entre dans le domaine de la morale. A partir de ce dernier sens, le mot «fiction» a été rapproché du verbe «feindre» ; il appartient donc au champ de la «feintise», du ‘«’ ‘comme si’ ‘»’ ‘ 9 ’ ‘’et renvoie à la notion de mimésis. Comme le souligne Gérard Genette‘ 10 ’ ‘, ’pour Aristote, ‘«’ ‘il ne peut y avoir de création par le langage que si celui-ci se fait véhicule de ’ ‘mimésis’ ‘, c'est-à-dire de représentation, ou plutôt de ’ ‘simulation ’ ‘d'actions et d'événements imaginaires ; que s'il sert à inventer des histoires, ou pour le moins à transmettre des histoires déjà inventées. Le langage est créateur lorsqu'il se met au service de la fiction, et je ne suis pas non plus le premier à proposer de traduire ’ ‘mimésis’ ‘ par ’ ‘fiction’ ‘.’ ‘»’ ‘’

La définition actuelle -‘»’ ‘œuvre ou genre littéraire créés par l'imagination pure, sans souci de vraisemblance’ ‘»’ ‘-’ ‘ 11 ’ ‘’consacre la rupture entre la fiction et le monde réel, contrairement aux termes d'«histoire» et de «récit» qui renvoient à ‘«’ ‘des événements réels ou imaginaires’ ‘»’ ‘ 12 ’ ‘. ’En même temps, cette définition postule l'intégration automatique de la fiction dans le champ littéraire. Comme le souligne Gérard Genette, 13 «la littérarité constitutive des œuvres de fiction ou de poésie -comme ‘«’ ‘l'artisticité, également constitutive, de la plupart des arts- est en quelque sorte, dans les limites de l'Histoire culturelle de l'humanité, imprescriptible et indépendante de toute évaluation.’ ‘»’ ‘’Même si Gérard Genette pratique une distinction entre la «littérature de fiction» qui s'impose ‘«’ ‘par le caractère imaginaire de ses objets’» de la «littérature de diction» qui ‘«’ ‘s'impose essentiellement par ses caractéristiques formelles’ ‘»’ ‘ 14 ’ ‘, ’il affirme que la fiction ‘«’ ‘est toujours constitutivement littéraire’ ‘»’ ‘.’ ‘ 15 ’ ‘’De même, Tzvetan Todorov 16 définit la littérature comme une fiction et rappelle que les logiciens modernes considéraient le texte littéraire comme fictionnel dans la mesure où il ne pouvait être soumis à l'épreuve de vérité. En effet, d'un point de vue logique, le texte littéraire et particulièrement le texte fictionnel, est une assertion non démontrable. 17 C'est donc cet objet qui focalisera l'ensemble de nos analyses.

Notes
8.

Gaffiot, Dictionnaire latin français

9.

Jean Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ? p.34

10.

Gérard Genette, Fiction et diction, p.17

11.

Larousse

12.

Larousse

13.

Gérard Genette, op. cit., p.30

14.

Gérard Genette, op. cit., p.31

15.

Gérard Genette, op. cit., p.32

16.

Tzvetan Todorov, La notion de littérature, p.12

17.

Dans Gödel Escher Bach, Douglas Hofstadter montre que le théorème de Gödel permet de comprendre les constructions auto-référentielles.