Lorette Nobécourt

Dans Horsita de Lorette Nobécourt 113 , l'un des personnages reproche à la narratrice d'être piégée par le vocabulaire qui lui a été inculqué, alors que ce vocabulaire est le résultat d'une modification faite par le régime nazi : ainsi voit-elle son ami, masqué par l'écran du mot «juif» :

‘Je ne suis pas juif, Hortense, oui, je suis juif, mais je ne veux pas que tu me limites à cela, comprends-tu ? Contrairement à ce qui te fut appris, et que tu reproduis sans même t'en rendre compte, il n'existe pas de Juif ou de non-Juif, il existe des êtres humains à qui l'on imposa au cours de l'Histoire d'endosser ce mot de Juif, mais en quoi sont-ils différents des autres ? La haine du Juif, comme la croyance en sa supérieure différence, relève de la même mise à l'écart, relève finalement du même antisémitisme. ( Lorette Nobécourt, Horsita, p.71)’

Pour Lorette Nobécourt, Auschwitz est une étape dans l'histoire de la langue ; c'est un temps d'anéantissement, des corps et des mots. Selon elle, aujourd'hui est marqué, matriculé par Auschwitz. Hortense est coupé à jamais d'Horsita, elle-même en état d'innocence.

Ces fictions montrent les mécanismes d'asservissement de la personne : la langue est l'outil qui permet de contraindre les personnes. Ces dispositifs sont d'autant plus dangereux que personne, a priori, ne se méfie de sa langue tant elle semble aller de soi, être une évidence. En montrant les dispositifs qui permettent de manipuler les êtres, les fictions jouent un rôle d'éducation du lecteur amené à se défier de la langue.

Notes
113.

Dans Horsita, l'héroïne est désignée par deux prénoms -Hortense et Horsita- qui renvoient à deux états d'elle-même, comme si l'identité de l'individu avait été fragmentée, brisée.