Si l'on part de l'hypothèse que l'enseignement est un appareillage de transmission et que le discours scolaire est un métalangage parmi d'autres, il est nécessaire de s'interroger sur le fonctionnement de cette institution et en particulier sur sa manière de générer une manière de lire les textes et de concevoir l'écriture-lecture. Les pratiques réflexives de la fiction ont souligné le rôle fondamental du lecteur et la volonté de la part des écrivains de montrer les mécanismes d'élaboration du texte. Nous allons analyser le fonctionnement de cet appareillage de transmission qu'est l'enseignement.
Après les années 70, de nouvelles approches théoriques ont envahi l'institution scolaire et se sont transformées en autant de méthodes pédagogiques qui se sont assez rapidement ossifiées comme l'avait faite auparavant la technique de l'explication de texte ou du commentaire composé. 375 Par ailleurs, on note un effort du point de vue de l'institution scolaire d'évacuer des approches jugées périmées par la théorie -telles que la notion d'auteur, de sens du texte, de l'intention de l'auteur, de la recherche du sens du texte par la vie de l'auteur- mais on constate, dans les manuels et les pratiques scolaires la permanence d'approches traditionnelles. 376 Nous allons essayer de montrer les exigences de l'institution d'où découle l'approche des textes littéraires.
L'institution scolaire est l'un des lieux essentiels de transmission. Transmettre, c'est faire passer d'un lieu à un autre, d'un temps à un autre. Comment le savoir se transmet-il ? Dans La recherche de la langue parfaite 377 , Umberto Eco propose ‘«’ ‘d'établir des segments temporels dont chacun serait commun à trois générations (en calculant que dans n'importe quelle civilisation la langue ne change pas sensiblement entre grand-père et petit-fils) et de fournir des instructions afin qu'à l'échéance de la période les messages soient reformulés en les adaptant aux conventions sémiotiques du moment.’ ‘»’ ‘’(p.205) Mais il fait remarquer que cette solution présuppose ‘«’ ‘la continuité sociale et territoriale ’ ‘«’ ‘’qu'il faudrait maintenir en créant ‘«’ ‘une sorte de caste sacerdotale (…) se perpétuant à travers les siècles par cooptation (…)’ ‘»’ ‘. ’(p.206) Rejoignant ainsi Régis Debray 378 , il pense que la transmission relève de la sphère politique. Dans Transmettre, Régis Debray montre que la transmission ‘«’ ‘opère ’ ‘en corps’» (p.21) : ce sont des institutions qui ont ‘«’ ‘la garde des dépôts’», qu'elles interprètent, remanient ou censurent. Par conséquent, il est nécessaire de comprendre l'institution qui transmet le dépôt littéraire.
Antoine Compagnon, Le démon de la théorie, p.11
Michel P. Schmitt, Leçons de littérature, passim
Umberto Eco, La recherche de la langue parfaite, p.205
Régis Debray, Transmettre