3. Idéologie de l'institution : valeurs, conceptions, notions.

Une société repose sur des représentations partagées ; par conséquent, elle en est l'origine. C'est pourquoi il est essentiel de s'interroger sur la façon dont elle transmet son idéologie. La construction de la pensée critique est soumise aux nécessités de la société qui, par l'institution scolaire, transmet ses valeurs. Dans Les frères Sérapion, 424 Léon Lountz réfléchit au rapport que le pouvoir entretient avec la littérature. A un journaliste qui considérait Shakespeare comme le représentant d'une ‘«’ ‘poésie de nobles’»,(p.38) le chantre ‘«’ ‘des rois et des seigneurs’ ‘»’ ‘’(p.38) et qui se demandait si l'on avait besoin de Shakespeare, Léon Lountz répond violemment :

‘Bien sûr, nous n'avons pas besoin de Shakespeare. Il est nuisible et dangereux. Nous n'avons pas besoin non plus d'Homère, qui a chanté les aristocrates et les chefs, ni de Dante, un mystique et un artisan de la puissance impériale. On ne peut pas mettre en scène Tartuffe de Molière, parce que le roi y est représenté comme un bienfaiteur. On a besoin de l'art uniquement comme un instrument d'action sur la société, et d'un art qui serve uniquement à ça. (Léon Lountz, Les frères Sérapion, p.38) ’

Il est évident que l'institution sélectionne les objets littéraires à transmettre. Il est non moins évident que cela correspond à une nécessité morale : la loi du 16 juillet 1949 précise que les publications destinées aux enfants et adolescents ‘«’ ‘ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques.’ ‘»’ ‘ 425 ’ ‘’De ce fait, l'institution scolaire fonctionne à l'égard de la littérature comme un miroir déformant. Le professeur, par nécessité éducative, triche et ment.

Notes
424.

Léon Lountz, Les frères Sérapion, p.37 sq

425.

Jean-Marie Charon, La presse des jeunes, p.28