Conclusion partielle

Ayant considéré l'enseignement comme un mécanisme idéologique d'encadrement des savoirs à transmettre, nous avons essayé de questionner les contraintes institutionnelles qui donnent du sens aux déformations opérées sur les textes littéraires. L'institution scolaire, qui opère par l'intermédiaire d'un corps constitué, sélectionne, organise, contrôle les textes transmis en fonction de valeurs qu'elle incarne. Le but de l'enseignement est, non seulement de transmettre des savoirs, mais aussi de former des citoyens, adaptés à une société. En conséquence, la littérature transmise par l'école est idéologiquement marquée. On comprend alors l'importance accordée par l'institution à la transmission de la fiction, de la maternelle à l'université. Celle-ci, plus adaptée que la réflexion abstraite à nos structures mentales et meilleure mnémotechnique jamais inventée, permet de transmettre des valeurs, en partage à une société. Par ailleurs, la fiction littéraire se caractérisant par sa non-référentialité, elle opère une imprégnation idéologique en occultant les processus de rectification mentale. Cependant, l'univers de référence de chaque lecteur est une mosaïque de valeurs conflictuelles et la fiction résonne de toutes ces voix, de tous ces points de vue ; elle permet donc un déplacement constant du lecteur-voyageur qui doit sans cesse questionner l'énigme posée par la fiction. La réflexivité montre que la fiction résulte d'une construction, d'un montage ; elle s'oppose donc à la dissimulation de la manipulation cognitive. En tant que construction réflexive, la fiction n'a pas de référent dans le réel, mais dans la fiction. Dans cette logique constructiviste, elle implique qu'il y a rétroaction entre la construction de l'objet et celle du sujet. Dans la perspective de l'enseignement, il est alors fondamental d'inscrire la fiction proposée dans l'histoire littéraire, puisqu'elle revient à situer l'enfant dans le déroulement temporel, et non pas à le bloquer dans le temps présent. Il revient donc au professeur de montrer à l'enfant que lire ou écrire une fiction, c'est tenir un fil entre les générations et que, lui aussi peut contribuer à son tissage. Longtemps déconsidérée, la fiction connaît aujourd'hui un regain d'intérêt ; c'est pourquoi il nous semble important d'insister sur la nécessité de revitaliser le questionnement sur la fiction dans le temps de formation des professeurs des écoles.