INTRODUCTION

«‘Le yoga, nouvelle religion des années 90 - Il supprime le stress, fait oublier la crise et séduit les cadres ’ ‘«’ ‘ suractifs ’ ‘«’.» C’est par ce titre aux promesses alléchantes que le journal Libération souligne, en mai 1995, la résurgence d’une pratique venue d’Inde et qui semble, de nouveau, trouver en Europe un accueil favorable. Après une période de régression, dans les années 80, causée par l’ouverture de nombreux clubs de remise en forme, le yoga connaît avec les années 90 un renouveau dont la presse généraliste et particulièrement féminine (Elle, Marie-Claire, Femme actuelle...) se fera l’écho. Comptabilisant aujourd’hui de 100 000 à 200 000 pratiquants, il est présenté à longueur de magasines et de reportages télévisés comme une technique porteuse de toutes les vertus. Grâce à lui, les tensions psychiques et physiologiques «s’envolent», la femme et l’homme modernes apprennent à «redéployer» leurs «facultés sensorielles», à redécouvrir «la vitalité» d’un bien-être «extraordinaire». Par le yoga, il semble devenu possible de «combattre le stress» et de «retrouver la sérénité» en «rééduquant son mental» par le travail de «maintien» et de «prévention» qu’il privilégie. Dans cette sémantique de la réussite et du rayonnement psychophysiologique, l’ailleurs est convoqué comme vecteur de salut pour une société occidentale émiettée et désordonnée. Dès lors, les «Orientaux» offrent à un «Occident qui cafouille» des «solutions» afin d’apprendre à «respirer comme on pense». Dans cette quête de plénitude et de sérénité, le magazine Marie-Claire n’hésite pas à souhaiter la transformation des «agités que nous sommes en explorateurs apaisés». Des figures du monde du spectacle sont aussi convoquées dans cette polyphonie médiatique comme gage de la popularité retrouvée du yoga. Yehudi Menuhin rencontre Richard Gere dans une technique de hatha yoga «top tendance aux USA» ; Meg Ryan se mêle à Sting, Madonna et Yannick Noah afin de chanter les louanges de cette pratique antédiluvienne. Les écoles et les enseignements se multiplient. Certaines, traditionnelles, comme le hatha yoga ou le kundalini yoga, cohabitent avec d’autres qui feront l’objet d’un engouement extrêmement circonstancié et fugace : le yoga zone, le power yoga, le yoga dynamique... Autant de yogas qui à leur tour se verront déclinés, au gré des enseignants qui les représentent, en autant de groupes et de sous-groupes aux ramifications parfois extrêmement opaques. Il est donc, aujourd’hui, possible d’accéder au yoga par une pluralité d’associations proposant en abondance nombre de cours et de stages ou encore au détour d’un cours de musculation ou d’une séance de stretching.