I - À LA RECHERCHE DE L’OBJET PARFAIT

En guise de préalable, il nous paraît nécessaire de mettre en perspective différentes manières dont les sciences sociales - et plus particulièrement la sociologie et l’ethnologie - se sont appliquées à analyser et concevoir cette notion de corps. Ainsi, nous verrons, dans un premier temps, comment il est devenu l’objet d’approches se référant aux méthodes objectivistes des sciences naturelles, pour glisser vers une appréhension classificatoire aux préoccupations hygiénistes. Nous insisterons, dans ce prolongement, sur ce souci de recensement des techniques corporelles et des manières de faire qui, dans l’anthropologie de la fin du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle, tentait de les réunir dans un répertoire aux prétentions universalisantes. Un second temps nous amènera à nous intéresser aux analyses du corps appréhendant les codes et les normes qui le façonnent. Ces normes et codes ont pu ainsi - la démarche de l’école de Palo Alto est à ce titre exemplaire - faire l’objet d’une systématisation complexe par l’élaboration d’une véritable sémiotique corporelle soumise à certaines variabilités culturelles. Ils ont pu encore permettre l’explication de conduites et de comportements amenant les acteurs à réguler ou au contraire à transgresser la vie en société ou à révéler les modalités d’apprentissage à l’oeuvre dans les logiques de constructions identitaires. Un troisième temps nous conduira à interroger ces constructions théoriques - du «dressage» de Georges Vigarello (1978) au «bio-pouvoir» de Michel Foucault (1975) - qui ont placé, cette fois-ci, le corps au centre des enjeux du pouvoir, qu’il soit politique, économique ou idéologique, et qui tendent à le contrôler, à le maîtriser en vue d’une plus grande rentabilité et d’un meilleur rendement. Enfin, dans un quatrième et dernier temps, nous nous intéresserons à ces approches - surtout issues de la matrice ethnologique - qui ont interprété le corps par l’appréhension de ces structures symbolique situant l’individu au coeur d’un système explicatif où sacré et religieux occupent une place primordiale. Notons que ces quatre temps ne s’agencent pas selon une dynamique chronologique. Tous ces modèles interprétatifs s’interpénètrent, se rejoignent parfois tout en proposant des compréhensions du corps sensiblement différentes.