3. 3 Dire et faire

Car c’est bien par le langage que le lien peut se faire. Il nous permet de dépasser le sentiment premier d’extériorité à l’autre, dans cette sur-visibilité où nous nous percevons comme différents, pour nous unir dans un acte d’interlocution où nous nous reconnaissons comme participant de la même communauté de langage. De fait, il s’agira pour nous d’analyser un ensemble de pratiques et de gestes mais aussi d’interpréter ce qui nous en est dit. Nous pourrons ainsi saisir des discours à l’oeuvre sur les lieux de pratiques, des échanges entre les acteurs mais aussi des attitudes, des actions...Ainsi, lors des séances de postures ou de lectures de textes, il nous a été possible de prendre des notes, de recourir à des croquis sur un petit cahier et cela plus particulièrement pour l’association Shakti. Avec Shiva, nous avons plutôt choisi de nous fondre dans le groupe et, ensuite, a posteriori de discuter ensemble de ce que nous avions retenu des séances et de le consigner. Nous avons eu aussi recours, pour l’ensemble des associations, à de nombreux entretiens qui, en fonction des personnes et de leurs statuts, ont pu être renouvelés. Nous avons, par exemple, rencontré Marc de Shakti de très nombreuses fois. Il en a été de même pour Sophie et Philippe qui, à eux seuls, représentent l’association Ganesh. Quant à Shiva, c’est Françoise que nous avons le plus souvent contactée et qui nous a permis d’approfondir les logiques à l’oeuvre au sein de l’association Shiva. Nous avons donc effectué différents entretiens, sous la forme de rencontres, privilégiant un mode opératoire le plus ouvert possible. Si nous avions, à chaque fois, recours à une grille de questions nous guidant dans l’évolution de l’échange, la liberté de parole des personnes nous semblait nécessaire pour comprendre un univers de signification aussi spécifique que celui de ces réappropriations de tradition extra-européennes.

Cette grille nous a par ailleurs permis de saisir les variations dans le langage entre ce qui relève d’un corpus théorique et philosophique indien et les pratiques et interprétations réalisées ici, au quotidien, par les pratiquants. L’usage du magnétophone, quant à lui, a renforcé cette fluidité du discours puisque, rapidement oublié, il nous permettait d’établir un véritable mouvement de dialogue avec les acteurs rencontrés. De la même façon, nous l’avons à plusieurs reprises utilisé lorsque nous revenions des séances, en voiture, afin de consigner les diverses impressions et informations qui émergeaient de ces temps d’observation. Il nous a aussi servi à évacuer nos angoisses après des séances éprouvantes physiquement, lorsque nous restions confinés pendant plusieurs heures dans un petit espace sombre, humide et froid, retenant notre souffle afin d’être les plus discrets possible ou mentalement, lorsque ce que nous entendions ou voyions nous touchait plus particulièrement. Il nous semble important de préciser que le fait d’être deux et de partager cette immersion a contribué au dépassement de cette étrangeté première liée à des pratiques et à des lieux parfois extrêmement déstabilisants.