3. 4. 3 Les artifices de la vie : l’énergie de la nature

Henri Bergson, quelques années plus tard, va lui aussi intégrer la notion d’énergie dans ses réflexions mais en réactualisant, à la différence de Freud, une certaine forme de pensée vitaliste. Là encore, les présupposés de la thermodynamique sont introduits dans une logique totale où nature, conscience et humanité fusionnent en un même tout énergétique. Ainsi, pour Bergson, tel qu’il l’énonce dans L’énergie spirituelle (1985), cette énergie est comparée à un «‘explosif que la vie a fabriqué en emmagasinant de l’énergie solaire.’ ‘»’ (1985 : p. 14) Chaque être, dans cette boucle auto-générée et auto-subsistante, en se nourrissant des autres êtres ou choses assimile cette puissance astrale afin d’y puiser ses propres ressources vitales: «‘Quand il exécute un mouvement, c’est qu’il libère l’énergie ainsi emprisonnée ; il n’a, pour cela, qu’à toucher un déclic, frôler la détente d’un pistolet sans frottement, à appeler l’étincelle : l’explosif détone, et dans la direction choisie le mouvement s’accomplit’.» (ibid. : p. 14) Dès lors, l’ordre naturel entrerait, selon Bergson, dans ce processus évolutif oscillant entre «accumulation graduelle» et «dépense brusque», ou encore entre latence et mouvement. La loi de la conservation de l’énergie est ici convoquée afin de souligner l’aspect déterminant et causaliste du système : «‘comme toutes les lois physiques, [ elle ] n’est que le résumé d’observations faites sur des phénomènes physiques ; elle exprime ce qui se passe dans un domaine où ’ ‘personne n’a jamais soutenu qu’il y eût caprice, choix ou liberté’ ‘»’ (ibid. : pp. 34-35, nous soulignons) La conscience, dans son recours systématique à l’ «artifice» - et l’on voit à quel point le champ métaphorique de l’explosif plus encore que celui du calorifique est mobilisé dans l’exposé de la théorie bergsonienne - tente de son côté de convertir ces déterminismes physiques afin d’obtenir de la matière «‘une fabrication toujours plus intense d’explosifs toujours mieux utilisables.’ ‘»’ (ibid. : p. 35) Ici encore, l’énergie apparaît comme cette puissance potentielle, sorte de don inconditionné de la Nature, qu’il s’agit de capter ou plutôt de recueillir afin de s’inscrire dans les cycles fixes et établis de la Vie.