2. 1. 2 Sous les yeux des gurus : l’association Shiva

C’est le même parfum d’encens qui nous invite à penser, après une volée de marches, que nous nous rapprochons du lieu de pratique de l’association Shiva. Une plaque à l’entrée, sous le porche, nous avait déjà confirmé que ce vieil immeuble cossu empli de bureaux d’expertises et de cabinets d’avocats était bien le bon. Au premier étage, l’odeur d’encens se fait plus forte. Une grosse porte en bois massif sur laquelle est fixée une plaque identique à la précédente efface toutes hésitations : «Centre de méditation Shiva». Une fois entrés, quelques personnes nous invitent à nous diriger vers le vestiaire afin d’y laisser nos effets personnels dont nos chaussures. Au fond du vestiaire, des toilettes, avec un petit mot qui indique qu’une chasse d’eau «a perdu sa shakti». Au-dessus du lavabo, une photo de Nâyîkâ est fixée. À l’entrée du vestiaire, une grande affiche représentant un mandala est accrochée au mur. Elle montre une figure géométrique au centre de laquelle est dessiné le visage de la guru. Différentes divinités indiennes y sont aussi représentées avec les principaux sages de la lignée ainsi que les visages de la Vierge Marie et du Christ. Les pièces sont vastes, décorées avec un soin particulier. L’éclairage se veut reposant, accueillant. Il est dispensé par des ampoules halogènes que des interrupteurs situés à différents endroits peuvent contrôler. Près du vestiaire, une première salle est accessible. Elle est emplie d’étalages sur lesquels sont disposés et vendus un nombre conséquent de produits divers : des ouvrages présentant les gurus, leur enseignement... ; des Compact Discs contenant des chants sacrés ; de l’encens ; des photos de Mahat, Nâyîkâ et Vidyâ ; des marque-pages ; des essences de fruits et de plantes... Dans le fond de la pièce, une table expose des imprimés indiquant les rendez-vous importants de l’association (une réunion pour accueillir les novices, par exemple), des fiches d’inscription pour une «Méditation Intensive» dans un ashram aux États-Unis, des préceptes, des phrases à retenir et à méditer... Devant l’entrée du vestiaire, un panneau d’affichage a été disposé. Une photo y montre Nâyîkâ habillée de rouge. Elle se tient souriante dans une sorte de tranchée, une pèle à la main. Le rouge immaculé de son sari contraste étrangement avec la boue qui l’environne. Un imprimé au bas du panneau présente un tableau sur lequel sont inscrites différentes tâches d’intendance (accueil, nettoyage, renouvellement des fleurs, entretien de la librairie...) auxquelles sont accolés des prénoms ainsi que des dates. À côté de cette affiche, un ours en peluche orné d’un T-shirt sur lequel est écrit «I love Seva» trône. Quasiment tous les murs sont recouverts de photographies géantes des gurus. À gauche, le visage de Mahat fait face à celui de Vidyâ. À différents endroits de la pièce, des cadres de plus petites tailles sont disposés et exposent le portrait de Nâyîkâ. Deux couloirs étroits, l’un situé vers le vestiaire et l’autre vers l’étalage des publications conduisent à une deuxième pièce. Ici encore, le décor est soigné. L’éclairage y est tout autant contrôlé que discret afin de créer une pénombre relaxante. Chaque mur est couvert de photographies des gurus. Sur la droite, un canapé style rococo et une table basse sur laquelle sont déposés des classeurs. Des bouquets de fleurs fraîches et des fumées d’encens se consumant baignent l’atmosphère de parfums mélangés. Les lieux semblent nappés d’un voile ténu qui trouble le regard. Immédiatement près de l’entrée, est installée une autre table sur laquelle ont été déposés des imprimés présentant l’association et ses activités ainsi qu’un cahier comportant un tableau à l’intérieur duquel sont consignées, à nouveau, des activités diverses auxquelles correspond une liste de prénoms. Sur le mur, des affiches représentant Nâyîkâ invitent le pratiquant à «chanter la gloire de Dieu», à vivre l’année dans «l’enthousiasme» et à considérer la méditation Shiva comme «la seule voie de la transformation». Des stages de commentaire de texte et de musique indienne sont aussi proposés. Au fond de la pièce, une table est recouverte de sortes de petites affiches de couleur sur lesquelles sont inscrits des mots renvoyant à un élément clé de l’association - «musique», «fleurs»... - et de son organisation. En face de chaque mot est inscrite une somme d’argent. Ainsi, chaque pratiquant en achetant pour 20, 50 ou 100 francs l’une de ces affiches participera à une modalité particulière du fonctionnement du groupe. Une porte sur le côté conduit à la salle de méditation proprement dite. Au-dessus de l’encadrement, une photo de Mahat est accrochée. On y voit son visage. Un de ses doigts est posé sur ses lèvres comme pour inviter le visiteur à faire silence. Après une petite alcôve, nous entrons dans une vaste salle. Le sol est recouvert de moquette. D’épais rideaux masquent les fenêtres. Des chaises sont disposées contre les murs sur chaque côté de la pièce. Au fond, un autel est dressé. En son centre, un siège de bois sur lequel est posée une photo de Nâyîkâ. Au-dessus, dans un renfoncement du mur, une photo de Mahat. Elle le représente assis dans un fauteuil similaire à celui placé sur l’autel, les jambes croisées, les bras posés sur les genoux, son regard semble scruter chaque membre de l’assistance. Au-dessus du portrait, une inscription en sanscrit écrite en lettres dorées énonce le mantra attitré de la lignée. Près du siège, sur le sol, un coussin sur lequel a été déposée une paire de chaussure de femme. Le style fait penser à des petites pantoufles indiennes. Elles sont ornées d’une fleur. Sur les deux côtés du siège, deux petites photos de Vidyâ sont posées près de bougies allumées sur des tables. Sur l’une d’elles, cette statuette d’un éléphant doré et incrusté de pierres dont nous avait parlé Françoise. La flamme dansante des bougies s’y réfléchit et des tâches de lumières chatoyantes constellent les murs. Au milieu de l’autel, devant le fauteuil, siège la statue d’un cygne blanc. Il est entouré de fleurs fraîches. Sur chacun des côtés, des enceintes hi-fi sont suspendues. Trois lampes halogènes incrustées dans les renfoncements d’un faux plafond ornés de dorures éclairent l’autel d’une lueur nimbée.