IV. Plan général

Cette recherche résulte donc d’un questionnement ancien. Dans une première partie, considérant l’importance de la relation éducative et de la psychologie dans l’éducation, j’étudie, dans un premier chapitre, ce que sont la relation éducative d’une part, et les impacts des représentations mutuelles et réciproques des représentations das maîtres et des enfants les uns sur les autres d’autre part. Dans un deuxième chapitre, je présente la théorie psychologique des émotions sur laquelle je me fonde pour la réalisation de cette recherche, et cite les travaux des neurobiologistes, des psychologues et des éthologues qui la confortent. Dans un troisième chapitre, je décris mon itinéraire d’une manière relativement détaillée pour plusieurs raisons ; comme les enseignants que j’interroge, j’ai été institutrice. Ensuite, même si je n’ai pas eu pour habitude de rédiger un journal intime, de noter régulièrement les événements qui me paraissaient intéressants dans la période où ils se produisaient, j’ai effectué un travail psychologique sur moi, effectué une analyse de mon parcours, à partir de la théorie utilisée pour ce travail. Je dois reconnaître que cela ne m’a pas été facile. Il n’est pas très évident de dévoiler ses émotions, ses moments plus ou moins douloureux, ses fragilités sous son nom propre, sans pseudonyme, dans une recherche qui sera lue, tout au moins par les membres du jury , qui pourra être consultée en bibliothèque. Le regard d’autrui, son jugement existent, et mon exhibitionnisme personnel n’est pas particulièrement développé. Certes, j’ai demandé une participation un peu du même ordre aux personnes que j’ai interrogées : elles bénéficient de l’anonymat dans la recherche mais, face à moi, elles pouvaient tout autant craindre mon regard et mon jugement. D’autre part, même si ce n’est pas fréquent, je n’innove pas dans ce domaine. D’autres auteurs ont déjà utilisé leur propre histoire pour effectuer leur recherche en sciences de l’éducation dans le cadre d’une thèse, notamment Christine Josso, à Genève, dont le travail a donné un ouvrage Cheminer vers soi 11à propos de la biographie éducative, Jean-Manuel Morvillers à Paris 8 sur le Journal de paternité (Juin 1999). D’autres enseignants-chercheurs ont aussi écrit leur histoire, soit dans un ouvrage : Jean Vial et son Journal de classe 12, Raymond Fonvieille avec De l’écolier écoeuré à l’enseignant novateur 13, et Michel Barré Compagnon de Freinet 14; soit dans un premier chapitre ou un liminaire à un ouvrage : Michel Lobrot dans L’animation non directive des groupes 15 ou Daniel Zimmermann dans La sélection non verbale à l’école 16. Malgré tout, ce n’est pas sans une certaine appréhension que je me risque à cet exercice. J’évoque aussi ma progéniture. Bien sûr ce sont des enfants d’enseignants, qui connaissent donc le monde de l’Ecole, la plupart de ses facettes, ayant un père professeur du second degré et une mère institutrice. Toutefois, je sais que, même en en connaissant les codes, mes fils, surtout, ont souffert de l’Ecole. Ensuite, je crois que j’ai essayé de les regarder vivre, de répondre à leurs questions, sans faire de forcing, sans contrôler leurs “ devoirs ” à la maison, en leur faisant confiance. J’étais présente mais je ne “ mettais jamais le nez ” dans leurs cartables. A partir du collège d’ailleurs, si je savais dans quel niveau de classe ils se trouvaient, sixième par exemple, j’étais incapable de nommer la classe réelle : sixième 1 ou 2 ou 3 ..., ce qui aurait choqué moult enseignants s’ils l’avaient su. D’ailleurs, je n’ai dû aller, en tout, qu’à quatre ou cinq réunions de parents d’élèves avec leurs maîtres ou professeurs durant leur scolarité. Puis je précise la méthodologie dans un quatrième chapitre.

Dans une deuxième partie, je reprends chacune des trois hypothèses, et la vérifie ou l’infirme à partir de l’analyse des entretiens menés auprès des enseignants (deux entretiens par personne, le premier concernant la vie professionnelle, le second la vie personnelle durant l’enfance et l’adolescence jusqu’au début de l’âge adulte), ceci dans les chapitres cinq, six et sept. Dans le huitième chapitre, je m’interroge sur la difficulté à catégoriser certains entretiens.

Enfin, dans une troisième partie, je dresse un paysage des différentes formations proposées aux enseignants en relation avec le Ministère de l’Education nationale durant les quarante dernières années et de leurs avatars. Hormis leur formation intellectuelle, pédagogique, nécessaires et non remises en cause, quelle formation à la relation ? De quelle manière ? Comment développer, chez les futurs instituteurs, des attitudes d’écoute de soi et de l’autre ? Comment apprendre à répondre à des désirs au lieu d’imposer le sien ? Comment, au minimum, ne pas tuer le désir d’apprendre ? Je ferai appel pour cela à des expériences menées avec des adultes dans différents systèmes de formation, par différents instituts, expériences qui ont existé ou existent encore, qui ont été évaluées mais n’ont jamais été mises en place au niveau national par le ministère. Ce sera l’objet des chapitres neuf et dix.

Notes
11.

JOSSO (C.) : Cheminer vers soi, Lausanne, éd. L’Age d’Homme, 1991, 448 pages.

12.

VIAL (J.) : Journal de classe : 1927-1977, Paris, ESF, 1978, 140 pages.

13.

FONVIEILLE (R.) : De l’écolier écoeuré à l’enseignant novateur, Vauchrétien, éd. I.Davy, 1996, 137 pages.

14.

BARRE (M.) : Compagnon de Freinet, Vauchrétien, éd. I.Davy, 1997, 105 pages.

15.

LOBROT (M.) : L’animation non directive des groupes, Paris, Payot, 1974, 252 pages, : “ Parler de l’homme sans parler de soi-même, c’est comme parler d’une humanité dans laquelle on ne serait pas, dont on serait exclu et qui vous serait étrangère. Certes on n’est pas l’humanité mais on en est aussi plus qu’une partie. On en est la partie qu’on connaît le mieux, qu’on connaît de l’intérieur et à laquelle on colle. (...) Le spécialiste des sciences de l’homme est (...) toujours son propre objet. Même s’il porte sur l’humanité un regard froid et objectif, il ne peut pas oublier qu’il se regarde lui-même toujours ”. pp. 9-10.

16.

ZIMMERMANN (D.) : La sélection non-verbale à l’école, Paris, ESF, 1982, 160 pages.