I. H. Les modèles.

La philosophie de Don Bosco est à ce sujet nettement plus positive. Le religieux turinois ne demande pas aux éducateurs de se “ sacrifier ” pour les enfants mais d’être heureux avec ceux dont ils ont la responsabilité. Il est en cela en conformité avec son modèle, le Christ. Le modèle, tel que le définit Michel Lobrot, n’est pas non plus quelqu’un qui se sacrifie. En fait existent deux types de modèles. Ce peuvent être

‘“ des individus qui se caractérisent par leur force, leur puissance, leur pouvoir, leur souveraineté, leur domination dans tous les domaines ”27 .’

Ils parviennent à influencer surtout leur entourage familial car ils créent

‘“ des sentiments de sécurité, d’apaisement qui résultent de la mise en place et du fonctionnement de systèmes de défense solides qui ont pour but de protéger contre l’angoisse : les super défenses (...) Ils sont extrêmement valorisés tout en étant extrêmement craints ”28.’

En contre partie, leur spectacle

‘“ suffit à lui seul à engendrer l’angoisse chez celui qui y est soumis ”29.’

En effet, l’attitude de ce modèle apparemment très fort  n’induit pas, chez la personne influencée, des représentations aussi positives qu’on pourrait l’imaginer : son image d’elle-même peut apparaître faible en comparaison, le milieu extérieur plein de dangers. S’il faut autant se protéger, comment peut-on vivre, se développer sans posséder pareille force ?

L’autre type de modèles est constitué des

‘“ individus qui se livrent sans réticence à certaines de leurs passions dominantes, quel que soit le domaine dans lequel ils le font ”30 .’

Ils montrent le plaisir qu’ils ressentent dans la pratique de ces passions (activités pratiquées, événements vécus) et en manifestent par là les valeurs. Ils informent en réalité sur la valeur affective de ces passions, font réaliser à autrui une “ expérience par personne interposée ” découverte que l’activité en question donne du plaisir qui se lit dans les attitudes et les manifestations émotionnelles de la personne qui la vit et incitent à l’expérimenter soi-même. En outre, ces modèles sont aussi moins angoissés, donc moins défensifs à l’égard d’autrui, le plaisir vécu étant un puissant antidote à l’angoisse. Ils influencent leur entourage en général mais

‘“ pas particulièrement à l’intérieur du groupe familial (...) à cause de leur ouverture et de leur manque de “ défenses ” dans l’existence ”31.’

On peut donc conclure que c’est par l’intermédiaire du plaisir manifesté dans les activités pratiquées avec les enfants32 que les enseignants leur donneront le goût de la chose intellectuelle, des relations, de toutes les activités possibles pratiquées en classe. Mais ces derniers le manifestent-ils ? Dans quelles circonstances ? Auprès de qui ?

Notes
27.

LOBROT (M.) : L’influence des modèles, op. cit. p.38.

28.

LOBROT (M.) : L’influence des modèles, op. cit. p. 34.

29.

LOBROT (M.) : L’influence des modèles, op. cit. p. 36.

30.

LOBROT (M.) : L’influence des modèles, op. cit. p. 38.

31.

LOBROT (M.) : L’influence des modèles, op. cit. p. 68.

32.

Ceci correspond à ce qu’on appelle l’expérience par personne interposée : voir le plaisir chez le maître suscite la curiosité de l’enfant, son désir de connaître, d’expérimenter.