II. E. 1. L’attention, ce qu’ elle est

A l’Ecole est bien souvent entendu le reproche adressé aux élèves concernant leur “ manque d’attention ”. Cette qualité semble donc hautement valorisée mais plus rarement efficiente ... En réalité, pour être attentif, il ne suffit pas uniquement de le vouloir, l’attention spontanée se fondant sur plusieurs éléments

Tout d’abord, l’attention

‘“ ne résulte pas d’une simple focalisation ”52 .’

il ne suffit pas de se centrer sur l’objet que l’on observe

‘“ mais de la dynamique affective du sujet face à l’objet ”53.’

Par exemple, certaines activités manuelles dont nous avons une très grande habitude (conduite, tricot, bricolage, etc.) peuvent nous laisser l’esprit libre pour échanger avec autrui et lui porter attention tant qu’elles ne nécessitent pas certaines actions plus complexes : nous suspendons cette attention si, en voiture, nous ne connaissons pas bien notre route et que nous arrivons à un carrefour, si nous réalisons des diminutions sur un tricot et devons compter des mailles, etc. Les conditions dans lesquelles nous nous trouvons déterminent notre attention. Mais elles ne sont pas seules.

‘“ L’expérience nous montre que la perception est littéralement suspendue à nos pulsions et à nos intérêts. Autrement dit, nous ne voyons que ce que nous avons intérêt à voir ou plus exactement que les objets qui nous plaisent et qui nous intéressent ”54.’

Les exemples à l’Ecole abondent. Les passionnés de foot-ball ont parfois des difficultés à être attentifs durant les leçons d’histoire (ou autres) et à s’en souvenir mais ils sont “ incollables ” sur l’histoire et les résultats de leur équipe préférée, ils connaissent toutes les dates des moindres événements les concernant. D’autres oublient très facilement les règles de grammaire mais, s’ils sont amateurs de belote et autres jeux de cartes, ils se souviennent sans problème de l’ordre de leur distribution et comptent très facilement les points dans leur tête. Dès l’école primaire, on trouve des spécialistes de mécanique experts en automobiles et au courant de leurs performances, d’autres plus intéressés par les acteurs de cinéma, les chanteurs et leur vie privée. Alors qu’ils paraissent incapables de maintenir leur attention durant une séquence d’apprentissage, même courte, en classe et de s’en souvenir correctement, ils suivent sans effort apparent les informations à propos de leurs idoles et montrent une mémoire prodigieuse dans la restitution du moindre fait les concernant. En réalité, comme l’indique Michel Lobrot,

‘“ nous ne voyons que les objets qui nous plaisent et nous intéressent (...) comme si la connaissance était non pas une fonction indépendante s’exerçant pour elle-même mais au service des tendance et des désirs de l’individu. (On constate) que notre attention) se focalise sur les choses qui nous ressemblent (...) Elle se dirige à la fois vers nous-mêmes et vers les choses qui possèdent quelque chose de nous et dans la mesure où elles possèdent cette caractéristique. Ce n’est pas la chose en elle-même qui nous intéresse mais son rapport à nous ”55.’

Il est bon de s’en souvenir dans le cadre de la classe. Les propositions qui sont faites aux enfants doivent prendre sens pour eux dans leur vie. Les motivations souvent proposées : bonnes notes, réussite aux examens, possibilité d’obtenir un “ bon métier ” (surtout en période de chômage !) ne sont pas des motivations vitales ; elles ne soutiendront pas les apprentissages. Car

‘“ le cognitif n’existe pas pour lui-même. Il est entièrement au service de l’affectif. Nous ne regardons pas pour voir mais pour vivre ”56.’

D’autre part, conseiller de “ faire attention ” n’est pas toujours judicieux quand n’est pas précisé l’objet sur lequel elle doit porter. L’enfant “ inattentif ” risque de se centrer sur l’injonction “ je dois faire attention ” et de ne rien entendre ou voir d’autre, en raison notamment de son angoisse57.

Notes
52.

LOBROT (M.) L’influence des modèles, Les Lilas, éd. Psyénergie, 1987, 282 pages, page 39.

53.

LOBROT (M.) L’influence des modèles, op. cit. page 39.

54.

LOBROT (M.) L’influence des modèles, op. cit. page 40.

55.

LOBROT (M.) L’influence des modèles, op. cit. pages 40 et 42.

56.

LOBROT (M.) L’influence des modèles, op. cit. page 43.

57.

Voir sur ce sujet tous les travaux d’Antoine de La Garanderie.