II. B. 4. Boris Cyrulnik : L’adversité n’engendre pas systématiquement des comportements pathologiques, le concept de résilience

On constate que souvent donc, les expériences négatives engendrent des blessures, de la souffrance qui incitent la personne à se protéger puis, si cet état de fait dure, à se refermer sur elle, à voir le monde comme dangereux, mauvais, et à élaborer des systèmes de protection très forts, très rigides que Michel Lobrot appelle “ super-défenses ”. Pourtant, comme l’affirme Boris Cyrulnick dans l’introduction à Un merveilleux malheur, face à l’adversité, certaines personnes réagissent de manière positive, “ s’en sortent ”, se développent, s’épanouissent. Le malheur n’engendre pas automatiquement le malheur. Ce n’est pas parce qu’on a été maltraité que l’on maltraitera. Après avoir évoqué le concept de “ résilience ”, à savoir la capacité à réagir face à l’adversité, à “ rebondir ” à partir du traumatisme, Boris Cyrulnik insiste sur l’importance des milieux

‘“ écologiques, affectifs et verbaux ” : “ Qu’un seul milieu défaille et tout s’effondrera. Qu’un seul pont d’appui soit offert et la construction reprendra.108 ”’

Relatant l’observation faite par l’aide sociale américaine sur l’observation de onze enfants durant 50 ans, il précise :

‘“ Les trois qui ont échoué n’ont pas été ceux qui avaient été le plus agressés, mais ceux qui, trop isolés, avaient été le moins soutenus109.’

Selon lui, lors de l’agression, la personnalité se clive, la partie blessée se nécrose tandis

‘“ qu’une autre mieux protégée, encore saine mais plus secrète, rassemble avec l’énergie du désespoir tout ce qui peut donner encore un peu de bonheur et de sens à vivre.110 ”’

Cependant, il n’explique pas ce qui soutient la personne, ce qui fait qu’elle va vivre et bien vivre malgré tout. De même qu’un accident ou une maladie physique peuvent entraîner une perte physique (organe, mobilité, etc., capacités diverses), un choc ou une situation d’ordre psychologique peuvent entraîner des pertes ou des traumatismes psychologiques et parfois physiques : il y a souvent des liens entre les ulcères et les situations de stress ou d’angoisse. Toutefois, les recherches en pathologie mentale montrent souvent qu’il n’est pas besoin de chocs particuliers pour que les personnes sombrent dans la dépression et même dans la psychose. Bien davantage qu’un traumatisme, l’absence de satisfactions pleines et fortes dans la vie met le psychisme en danger. Les situations sociales actuelles fragilisent les personnes mais un certain nombre d’entre elles qui semblent n’avoir aucun souci d’ordre matériel, financier, qui, de l’extérieur, “ ont tout pour être heureuses ”, sombrent dans des dépressions sévères.

Notes
108.

CYRULNIK (B.) : Un merveilleux malheur, Paris, éd. O.Jacob, 1999, 239 pages, p. 16.

109.

CYRULNIK (B.) : Un merveilleux malheur, op. cit. p. 17.

110.

CYRULNIK (B.) : Un merveilleux malheur, op. cit. p.22.