III. Applications

III. A. Originalité des activités éducatives, formatives, thérapeutiques

Mais les activités éducatives, formatives, thérapeutiques, contrairement à d’autres,

‘“ si on réfléchit à leur nature, ... diffèrent des autres en ceci qu’elles excluent radicalement toute contrainte et toute obligation, de quelque manière que ce soit. 130”’

écrit Michel Lobrot dans L’écoute du désir. Cela résulte du principe d’implication suivant :

‘“ Un individu ne peut rien intégrer dans sa vie psychologique, que ce soit un comportement, une connaissance, une aptitude, un automatisme, s’il n’est pas concerné subjectivement par cet élément, si celui-ci lui reste extérieur et ne le touche pas profondément (...)131 ” ’

Les opérations (sensorielles, intellectuelles, physiques, etc.), que nous retenons, apprenons, conservons, sont celles qui, d’une certaine manière, transcendent le temps parce qu’elles ont pour nous une valeur subjective durable et permanente. Il s’agit de sentiments qui sont en nous et qui nous poussent à faire cet acte, qui donnent sens à cet acte. Cela implique que nous désirions l’acte en question, au sens fort du terme désirer, c’est-à-dire non pas à cause d’une volonté passagère et superficielle résultant de la contrainte de la réalité ou de la société, mais à cause d’une véritable envie, de l’attente d’un plaisir. La notion de plaisir joue un rôle essentiel :

‘“ Certes, tous les actes que nous désirons dans notre vie ne sont pas orientés vers le plaisir. Mais ceci n’est qu’une apparence. En réalité, quand on y regarde de près, le plaisir est ce qui leur donne une signification. 132”’

L’auteur analyse ensuite les différents actes désirés et désirables :

‘“ Considérés superficiellement, (ils) appartiennent à quatre catégories possibles. Premièrement, ils peuvent être des actes de simple défense, orientés seulement vers la conservation de la vie ou vers la survie, comme beaucoup d’actes que nous faisons pour éviter un danger, fuir une réalité malfaisante, apaiser une douleur. Deuxièmement, ils peuvent être des actes de défense renforcée, ce que j’ai appelé des super-défenses, c’est-à-dire constituer des tentatives pour modifier la réalité de telle sorte qu’elle ne réactive plus nos angoisses, ne nous menace plus dans nos peurs les plus fortes et les plus existentielles, par exemple exercer le pouvoir, faire violence à autrui, etc. Troisièmement, elles peuvent consister à chercher des compensations, des consolations, pour apaiser là encore une angoisse, un sentiment obsédant, comme cela se passe avec les drogues. Enfin, elles peuvent consister à chercher simplement le plaisir, je veux dire d’une manière simple et sans souci de compensation, quelle que soit la nature de ce plaisir : physique (orgastique, gustatif, tactile, etc.), intellectuel ou relationnel.’ ‘Apparemment seule la quatrième catégorie a rapport au plaisir. En réalité, toutes le regardent, à travers un principe que j’ai appelé principe de positivité. Quelle que soit la catégorie considérée, le sujet concerné vise à obtenir plus de satisfaction, soit en passant d’une valeur négative à une valeur moins négative (/ -), soit en passant d’une valeur négative à une valeur positive (/ +), soit en passant d’une valeur positive à une valeur plus positive (+ / + +). Ce qu’il vise, de toute façon, en tout état de cause, c’est le bonheur que, comme le disait Pascal, nous ne pouvons pas ne pas rechercher, même quand nous allons nous pendre. 133”’

Pourquoi le plaisir ? Parce qu’il est le

‘“ seul antidote à la souffrance 134”. (parce qu’il) “ met en action et (qu’il) dynamise 135”. ’

A partir de ces préliminaires, l’ “ expérience positive ” est celle qui suscite chez la personne d’abord le plaisir, puis la curiosité, le désir de connaître, de rencontrer, d’apprécier, de savourer, que ce soit dans des domaines intellectuels ou relationnels, que ce soit d‘ordre théorique ou pratique. L’ “ expérience négative ” est celle qui engendre la souffrance, le malaise, qui incite à la fermeture pour se protéger des autres ou du monde, au refus de connaître, de rencontrer. Reconnaissons qu’il n’est pas possible de classer les personnes rencontrées en deux groupes, l’un qui n’aurait rencontré que des expériences positives, l’autre que des expériences négatives. Chacun, au cours de sa vie, se confronte à des événements qui l’enrichissent, le confortent, qui lui donnent de la force, qui augmentent son désir de connaître, de rencontrer les autres, la nature, le monde, et à d’autres événements qui le fragilisent, le blessent, l’incitent à se replier sur lui, à se désintéresser d’autrui. Chacun peut aussi vivre des événements difficiles que d’autres rencontres faits, personnes lui permettent de réévaluer de manière plus positive, plus dynamique, et qui développent sa sensibilité.

Notes
130.

LOBROT M. : L’écoute du désir, Paris, Retz, 1989, 208 pages, p.19.

131.

LOBROT M. : L’écoute du désir, Paris, Retz, 1989, 208 pages, p. 20.

132.

LOBROT M. : L’écoute du désir, Paris, Retz, 1989, 208 pages, p. 20.

133.

LOBROT M. : L’écoute du désir, Paris, Retz, 1989, 208 pages, pp. 20-21.

134.

LOBROT M. : L’écoute du désir, Paris, Retz, 1989, 208 pages, p. 21.

135.

LOBROT (M. et coll.) : Le choc des émotions, Tours éd. La Louvière, 1993, 287 pages, p.30.