I. A. 3. L’école en dehors des heures scolaires

Je vis donc dans une école jusqu’à mon départ en classe de seconde, je connais les instituteurs non seulement comme enseignants mais comme voisins, comme parents d’enfants de mon âge pour deux couples (trois garçons et une fille approximativement de mon âge). La vie à la maison n’est pas très gaie, les relations avec les enfants de collègues de ma mère sont épisodiques et relativement peu fréquentes si l’on considère la proximité géographique. Tout d’abord, nous n’allons pas jouer les unes chez les autres. Seule, la fille vient l’hiver à la maison mais nous ne sommes pas invitées, ma soeur et moi, chez elle. Puis arrive un moment, entre dix et douze-treize ans environ, où nous jouons tous ensemble, du printemps à la rentrée scolaire. C’est l’époque des parties de boules de pétanque, et de cache-cache. Le bâtiment scolaire se prête bien à ce dernier jeu. Il est construit en U avec quatre entrées permettant d’accéder aux appartements au premier étage, aux greniers qui communiquent au-dessus, ainsi qu’aux caves qui sont, selon les entrées, reliées ou non entre elles. Nous avons encore la possibilité supplémentaire de faire le tour du bâtiment. C’est une période d’un calme relatif, où je me dépense physiquement dans ces jeux et sur le stade proche en pratiquant du saut en hauteur et en longueur sans qu’il y ait, par rapport à ces activités, de commentaires négatifs de la part de ma famille ou de celles des autres enseignants. Avec ma soeur, nous avons l’autorisation de jouer le soir jusqu’à la tombée de la nuit avec les autres enfants et tous les adultes semblent apprécier nos parties parfois bruyantes. Je me dépense mais ne puis dire qu’il y ait réellement de communication au niveau relationnel, affectif. Je suis dans une école laïque, avec des instituteurs laïcs au sens très étriqué du terme, et je vais au catéchisme ... Bien évidemment, de temps à autre, j’ai droit à quelques réflexions peu amènes. De plus, puritains, voire pudibonds, fort intéressés par les ragots, ces enseignants ne manifestent pas une curiosité empathique mais jugeante, condamnante des personnes. L’important est alors de passer inaperçu, de ne pas se faire remarquer, leitmotiv lancinant de mon enfance et de mon adolescence. Ma soeur et moi sommes considérées comme “ bien élevées ” notamment pour cela ... ce qui me met en rage. En réalité, les membres de la “ grande famille des instituteurs ” ne se soutiennent pas dans les moments difficiles. C’est le “ chacun pour soi ”. Il me reste de ces années le sentiment d’une atmosphère triste, peu dynamique, correspondant à la fois à mon milieu familial et à ce milieu enseignant étriqué dans lequel je vivais.