I. B. 4. L’école normale jusqu’au baccalauréat

Je suis à nouveau interne mais l’établissement est plus petit et le système se révèle un peu moins militaire. Le jeudi après-midi, si nous n’allons pas chez un correspondant inscrit sur une liste dûment émargée par les parents, nous avons le droit de sortir à condition d’être trois et, ce qui est tout de même amusant, nous croisons dans les rues les grands-séminaristes, soumis au même règlement. Nos collègues normaliens eux sont à une distance respectable de 40 kilomètres. Malgré tout, est-ce le changement de régime, la fatigue, ou autre chose, mes notes du premier trimestre se révèlent vraiment désastreuses, à tel point qu’on me dit avec ménagement, que si elles s’améliorent, je pourrai, peut-être, entrer en terminale l’année suivante, mais le ton ne laisse guère d’espoir. Pourtant je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu pied mais réellement d’avoir échoué aux épreuves, ce qui devait bien être vrai puisque les résultats des deux trimestres suivants sont bons. Cela me vaut l’avantage d’être considérée comme travailleuse et sérieuse. Toutefois, mes résultats diffèrent selon les matières, et surtout selon les enseignants. Travail et progrès sont en relation directe avec le professeur. Par exemple, je n’obtiens plus aucune bonne note en physique. L’enseignante n’a aucune pédagogie et évalue de manière “ vache ”. Je dois aussi pratiquer le ski de descente avec elle (en hiver, nous faisons du ski une après-midi par semaine avec les professeurs de l’école comme moniteurs) qui nous explique : “ Pour ne pas tomber, il faut que notre centre de gravité tombe dans le polygone de sustentation ”. L’efficacité pédagogique de cette sentence-vérité en physique dans l’apprentissage du ski reste encore à démontrer, tout au moins pour moi. Il y a aussi le professeur de psychopédagogie, qui enseigne le français dans les classes de première, ressassant le même cours toutes les années en s’épilant les mollets (intersection bas du pantalon-haut de la chaussette). Je garde tout de même une certaine tendresse pour le professeur de biologie, femme chaleureuse, un peu dans les nuages mais que je ressens comme bonne.

Un épisode de cette première année m’a beaucoup marquée. Quelques jours avant les vacances de Toussaint, une camarade de ma classe fait une décompensation spectaculaire le soir au réfectoire. Soudain au milieu du repas, elle se met à taper sur la table et à hurler comme une démente. Nous nous taisons toutes, sidérées. L’intendante et l’infirmière l’emmènent et elle reste un mois en repos car elle est épuisée nerveusement. A son retour, elle a sa chambre à l’infirmerie sous la surveillance de l’infirmière et les autres élèves l’évitent car elles ont eu peur. Je trouve cela anormal et je lui propose de travailler avec elle, ce que nous ferons toute l’année. Puis, petit à petit, elle se réinsère dans la classe.