V. La pédagogie Freinet

V. A. Les débuts

Ma participation aux stages et aux groupes Freinet me permet d’élargir mon horizon et précise mes interrogations. C’est aussi par l’intermédiaire des Equipes enseignantes que je suis informée. Mon premier stage a lieu à Chambéry avant la rentrée de l’automne 68. Le responsable en est Michel Pellissier, avec ses collègues pédagogues de l’Isère, la Savoie et la Haute Savoie. Je découvre autre chose, non seulement au niveau des “ techniques ”, mais aussi des relations entre enseignants : elles sont moins protocolaires, plus chaleureuses. Bien que jeune normalienne avec peu d’expérience “ classique ” et encore moins “ d’Ecole moderne ” je n’ai vu que L’école buissonnière et pas jusqu’à la fin ! je suis sollicitée à égalité avec mes collègues chevronnés pour réfléchir, donner mon avis, expérimenter. Nous nous initions à des techniques mais, durant les débats, il me semble que la qualité d’écoute entre les participants est meilleure qu’à l’école normale, qu’il existe un réel respect entre les personnes. C’est pour cela qu’à la rentrée, enthousiaste, je participe aux réunions des groupes savoyard et haut-savoyard, avec Aristide et Georges qui m’emmènent aux réunions dans les divers petits villages du département, réunions suivies de pique-nique ou de repas au restaurant où se poursuivaient des discussions passionnées. A Pâques 69, je participe au congrès à Grenoble, organisé, là encore, par Michel Pellissier. J’y fais de nouvelles rencontres, notamment Maurice Marteau, de la commission “ expression corporelle ”, avec qui je travaillerai les années suivantes. Je me souviens encore de Paul Le Bohec, durant un atelier mathématique, en train de sauter à cloche-pied sur le carrelage de la classe et découvrant, et nous avec lui, que le carreleur s’était trompé dans ses dessins en posant ses carreaux. Le rythme des sauts, le déséquilibre de Paul nous avaient fait repérer l’erreur que nous n’avions pas vue auparavant. Je me rappelle surtout Michel Pellissier me croisant dans les couloirs, me reconnaissant, me questionnant avec chaleur sur l’année écoulée à l’école normale. Et je compare avec mes lieux de formation habituels. Sans pouvoir encore le définir précisément c’est alors un peu flou dans ma tête je sens l’importance de la relation dans le travail, de la relation qui fait naître un désir et un plaisir réels et forts de chercher, de travailler ensemble, de partager des expériences, des réflexions, de pouvoir dire ses tâtonnements en sécurité, sans le risque de se faire juger et démolir. Et c’est avec ce plaisir que je participe aux réunions du groupe sur mon département, par courrier aux travaux d’une commission, à la préparation et à l’animation d’un stage d’été à Chamonix l’année suivante. Tant que je serai institutrice, je travaillerai et investirai financièrement dans la pédagogie Freinet, pour soutenir la Coopérative de l’Enseignement Laïc. Passer des soirées, des week-ends, des temps de vacances à chercher, à travailler ensemble et bénévolement me dynamise, réconforte, m’enthousiasme.