V. B. A propos de pratiques pédagogiques

Par expérience donc, je sais que, pour être efficace, il est bon qu’une pratique soit adaptée aux enfants, à la matière enseignée, et aussi à l’enseignant qui la met en oeuvre. S’il essaie d’appliquer, même avec de la bonne volonté, une pratique à laquelle il n’a pas été formé et avec laquelle il ne se sent pas en accord, le maître ne pourra faire un bon travail ; la pratique sera gauchie, voire dévoyée.

Il y a des exemples instructifs à ce sujet quand les Instructions Officielles sont modifiées après mai 68 et qu’elles préconisent, parmi d’autres pratiques, celle du texte libre. Celle-ci est inventée par Célestin Freinet, qui laisse dans sa classe des moments d’activités libres durant lesquels l’élève peut, si tel est son désir, écrire un texte sur un thème de son choix, de la longueur de son choix. Il n’existe aucune censure mais il faut tout de même être compris par autrui : nécessaire si l’on écrit pour être écouté et/ou lu, ce qui est souvent la vocation du texte écrit. Plusieurs fois par semaine, ces textes sont lus au groupe, qui en choisit un pour une correction collective. Puis, il peut être recopié sur un cahier spécial destiné à la classe, imprimé pour le journal, envoyé aux correspondants, les autres, non choisis bénéficiant d’une correction individuelle et d’une mise au propre. D’autres activités d’écriture existent dans ce type de fonctionnement pédagogique : compte-rendus de sorties, de visites, d’expositions, recherches en histoire et géographie locales ou générales, courriers avec les correspondants pour des échanges d’informations, des réalisations d’expositions. La vie de la classe exige donc des écrits divers, compréhensibles. Même s’il n’a pas envie d’écrire un “ texte libre ”, l’enfant a de nombreux supports d’écriture ; en outre, le fait d’être choisi par les camarades, puis d’être imprimé pour le journal est une assez puissante motivation surtout si la correction est respectueuse de la pensée enfantine : correction qui n’a pas pour but des exercices divers de grammaire, d’orthographe ou de conjugaison, mais de permettre à cette pensée d’être pleinement comprise par les camarades proches ou éloignés. Quelques années plus tard, j’ai constaté, alors que ma fille et mon fils aînés étaient au cours élémentaire (à deux années d’intervalle), qu’ils ont eu à rédiger, un matin entre 10 heures 30 et 11 heures 15, un “ texte libre ” sur le thème : papa va à la pêche ... Bien évidemment, il n’existait dans cette classe aucune des motivations fortes présentes dans une classe Freinet147 et papa n’était pas pêcheur !

Notes
147.

voir aussi : MOYNE (A.), ARTAUD (J.), BARLOW (M.) : Formation et transformation des enseignants, Lyon, Chronique sociale, 1988, 185 pages, p. 32.

FONVIEILLE (R.) : De écolier écoeuré à l’enseignant novateur, Vauchrétien, éd. Ivan Davy, coll. Itinéraires, 1996, 138 pages.

BARRE (M.) : Compagnon de Freinet, Vauchrétien, éd. Ivan Davy, coll. Itinéraires, 1997, 107 pages.

Lors des séminaires organisés pour le D.H.E.P.S., puis pour le D.E.A., je me souviens de plusieurs étudiants ayant présenté le programme d’enrichissement instrumental (P.E.I.) de R. Feuerstein, et je reconnais que je n’accrochais pas à leurs exposés. Ce P.E.I. m’apparaissait comme une technique très contraignante et rigide de remédiation applicable quelles que soient les difficultés des personnes sans adaptation particulière à chacune. En revanche, R. Feuerstein expliquant son travail en conférence à l’Université catholique de Lyon en décembre 1995 m’est apparu comme un formateur chaleureux et bienveillant, à l’écoute des personne en difficulté, toujours en recherche pour s’adapter au mieux à leur difficulté et les aider à la surmonter. Plus que sur sa “ technique ”, c’est sur les attitudes de l’éducateur à l’égard de l’éduqué qu’il a insisté ...