VI. B. Présentation de l’animateur

Le second niveau concerne la manière de se présenter de l’animateur. Quand j’arrive à ce premier stage à Sommières, je suis une “ modeste institutrice descendue de ses montagnes ” et je me trouve dans un groupe avec un “ éminent professeur d’université ”, référence dans les milieux hors école dans lesquels je travaille et réfléchis. “ L’éminent professeur ” n’utilise pas son statut pour entrer en relation avec chacun d’entre nous. En outre, et c’est probablement le plus important, en tout cas pour moi, il ne se présente pas comme quelqu’un ayant résolu tous ses problèmes. Il n’utilise pas le groupe et les participants pour régler ses problèmes mais ne cache pas ses fragilités. Il est humain, il me fait prendre conscience d’emblée que les cours théoriques de psychologie donnent des connaissances intellectuelles mais non des connaissances sur soi, qu’ils aident peu à la résolution des difficultés qu’on rencontre et que la vie est un chemin sur lequel on progresse chaque jour. Cela me change du professeur de psycho-pédagogie de l’école normale qui, un jour où je formulais mon désaccord sur un point de son cours, me rétorqua froidement : ‘“ Je suis professeur de psycho-pédagogie, je suis capable de lire entre les lignes !’ ” Cela me change aussi des animateurs   “ sphinx ” des “ groupes de base ” de l’I.F.E.P.P. entre 1972 et 1974, distants, restant entre eux, invisibles en dehors des séances. J’expérimente l’ouverture, la non-défensivité ; je n’ai pas à me tenir “ sur mes gardes ” avec l’animateur, il ne porte pas de jugement sur mon vécu (ce qui est loin d’être le cas avec tous les formateurs).

La proximité et l’authenticité ont un autre avantage : il m’est difficile de me représenter l’animateur comme un dieu tout puissant qui résoudrait toutes mes difficultés d’un coup de baguette magique. Et puis, je vois vivre devant moi, dans les rencontres diverses que nous aurons alors, un être passionné par son travail, ses recherches, les rencontres avec les autres, toujours en recherche et, en même temps, éminemment vivant. Plusieurs personnes ont déjà eu de l’influence sur moi ; mon cheminement avec elles m’a ouvert des horizons, m’a préparée à cette rencontre. Ces valeurs essentielles d’attention, d’écoute, de respect d’amitié et d’amour pour autrui, ne me sont pas étrangères, je les ai déjà expérimentées. L’influence de Michel sur mon évolution (comme celle des prêtres que j’ai cités, et des instituteurs Freinet), vient essentiellement de sa personne. Tout d’abord, il est pour moi d’abord un pédagogue et j’apprends par ce qu’il est, par ce qui transparaît de valeurs à travers lui, par la cohérence qui existe entre les théories qu’il formule, les règles de vie qu’il se donne et sa réalité dans le quotidien. Je lis ses livres, ceux parus avant notre rencontre, puis les autres, au fur et à mesure de leur parution. Je les lis, c’est un moyen de rencontrer l’homme, le penseur, le pédagogue, mais ma lecture n’a pas un but professionnel de travail, de recherche. Je suis guidée par la curiosité et l’amitié. J’aurais envie que ses idées soient davantage connues et prises en compte en France, mais je n’imagine pas. faire un travail à partir de cela : l’université, ce n’est pas pour moi, je ne suis pas capable de faire des études ... Toutefois, quand je commencerai à mener des entretiens pour mon mémoire de DHEPS, quand je les analyserai, quand je commencerai modestement à théoriser sur ma pratique, les lectures faites pour connaître l’ami me reviennent naturellement en mémoire. Je ne relis pas, mais je sais assez précisément à quel endroit particulier, dans quel ouvrage précis je vais trouver la référence correspondant à ce que je suis en train de décrire. En réalité, je ne prends réellement conscience que je m’inscris dans le cadre théorique élaboré par Michel qu’au moment où je rédige mon avant-projet de recherche de DEA et que l’on me pose cette question. C’est alors l’évidence.