VII. B. La lecture

Tout d’abord, ils voient lire leurs parents ainsi que son frère et sa soeur pour le dernier. Ils les voient lire, non seulement pour leur travail, mais aussi pour leur plaisir. J’ai peut-être, de ce point de vue, une influence certaine puisque j’ai, comme on dit, “ arrêté de travailler ”. Pourtant, je lis, non seulement des romans, mais des ouvrages plus ardus dans des domaines divers, gratuitement, alors qu’il n’y a aucune obligation et avec plaisir, et les ouvrages de mes amis avec davantage encore de plaisir. D’autre part, pour eux les auteurs ne sont pas tout le temps des personnes décédées, des personnes lointaines, inabordables, ce sont aussi des personnes qu’on peut rencontrer, qui viennent à la maison, que papa et maman connaissent et dont ils sont amis. Le livre n’est pas écrit par des gens inaccessibles, il rapproche, permet de connaître la pensée d’amis quand ils ne sont pas là, qu’on ne peut discuter avec eux. Le livre ne transmet pas “ la Parole divine ” mais une parole située, incarnée, une parole avec laquelle on peut éventuellement n’être pas d’accord. Et puis, il permet le rêve, favorise l’imagination, donne des renseignements. La lecture n’est pas quelque chose de “ sérieux ” pour le travail, pas davantage quelque chose pour le plaisir uniquement (dans certains milieux, le “ travail ” passe avant la lecture), il est un moyen de communication parmi d’autres médias pour nous relier aux autres, au monde.

Ce que j’ai compris aussi, en les regardant vivre, c’est que mes enfants ont réellement souffert à l’Ecole, qu’ils l’ont davantage supportée que vécu des moments joyeux, épanouissants entre ses murs, qu’ils s’y sont ennuyés, qu’ils ont développé au maximum des stratégies d’évitement pour alléger le travail lourd et inintéressant. Par exemple, pour les fameux exercices de Bled, pour se fatiguer inutilement le moins possible, il s’agissait de lever le doigt systématiquement pour répondre durant le début de chaque correction au début de l’année scolaire. Après, le professeur avait intégré le fait que l’on faisait ses devoirs, il fallait de temps à autre montrer que l’on était là, “ assurer ” quelques réponses, mais ça n’exigeait pas alors de faire tous les devoirs demandés. Quand, à sa demande, j’ai relu les mémoires de maîtrise puis de DEA de Sébastien, j’ai constaté l’inefficacité des exercices de Bled et des dictées de l’école primaire et du collège ... et je ne pense pas qu’il y aurait eu de grandes différences s’il avait fait tous les exercices demandés. Les progrès dans ce domaine viennent maintenant, progressivement, parce qu’il est dans une situation d’écriture et qu’il a le goût du travail bien fait, il se pose des questions d’orthographe ou de grammaire, il va prêter attention au fonctionnement de la langue. Et c’est à partir de l’université, (et encore pas pour tout) que les aînés ont commencé à apprendre dans des domaines qui les intéressaient, qu’ils ont commencé à se faire plaisir, et que le dernier tâtonne pour trouver le domaine qui le passionne..