I. B. Les entretiens

Je me présente brièvement au téléphone comme institutrice en retraite effectuant une recherche sur la formation des maîtres dans le cadre de l’université Lyon 2, convaincue que, en tant qu’instituteurs ayant déjà une expérience non négligeable, ils ont sûrement des choses à dire à ce propos. Puis je leur demande leur accord pour deux entretiens. Si je ressens des résistances, je n’insiste pas (ce qui s’est passé pour deux personnes). Sinon, je prends un premier rendez-vous.

Après m’être à nouveau présentée, j’insiste sur le fait que leur vécu, leur expérience pourraient aider à la compréhension des difficultés que les enseignants rencontrent actuellement et je les invite à m’en parler en me relatant les souvenirs de leur vie professionnelle de manière totalement libre : souvenirs de leur formation, de leurs débuts, de leurs relations avec les enfants, les collègues, l’administration, les parents d’élèves, souvenirs de réussites ou/et d’échecs. La deuxième entrevue a lieu entre trois semaines et deux mois au maximum après la première (vacances scolaires, fin de trimestres chargées, classes de neige ou de découverte ...) . Je leur propose alors d’évoquer les souvenirs de leur vie personnelle : enfants, adolescents jusqu’à l’entrée dans la vie adulte et professionnelle, au sein de leur famille et à l’école en tant qu’élèves.

Les entretiens ont lieu principalement dans la classe vingt-trois fois sur vingt-six. Ils durent plus ou moins longtemps selon la disponibilité des personnes, leur désir de parler, leur gêne ou leur facilité à parler d’elles-mêmes : 45 minutes à plus de deux heures. Je constate que les entretiens courts ne sont pas pour autant moins intéressants que les autres et que les débits vocaux sont plus ou moins rapides.

Les interviewés ne connaissent véritablement ma demande qu’au moment de l’entretien. Je ne leur donne pas la possibilité d’élaborer leur réponse, de réfléchir auparavant à ce qu’ils me diront. Ce sont leurs souvenirs au moment même où je les interroge, souvenirs bien sûr induits par ma présence et leur vécu récent, flashs à un moment précis de leur histoire. Cette procédure évite l’écoute de “ belles ” histoires, bien construites , “ bien léchées ” Il n’y a pas véritablement de temps pour l’élaboration d’un plan et les souvenirs apparaissent plus ou moins dans le désordre chronologique à la manière des associations libres. “ ‘C’est un peu décousu, tout ce que je dis’ ” préviennent ou constatent les personnes qui se livrent à cet exercice.