I. C. La méthodologie

Les entretiens sont pratiqués de manière non-directive. Les méthodologies de l’entretien sont multiples, leur place dans le dispositif de recherche l’est aussi, comme l’analyse Jean-Claude Kaufmann : souvent

‘“ ils se limitent à être un instrument complémentaire ”’

ils permettent de préciser le cadre d’une enquête, d’illustrer des démonstrations, ou ils sont combinés avec d’autres méthodes. Mais, s’ils fondent la recherche, deux pôles se dégagent :

‘“ comprendre ou décrire, mesurer. Dans le premier cas l’entretien est un ” support d’exploration ” ; dans le second une ” technique de recueil d’information150 ” . L’entretien support d’exploration est un instrument souple aux mains d’un chercheur attiré par la richesse du matériau qu’il découvre. Ne pouvant se résoudre à abandonner ce filon, il devient sourd aux critiques qui l’assaillent, l’enjoignant à faire preuve de davantage de rigueur et de méthode. Il n’est pas contre. Mais quand il essaie d’appliquer les instruments qu’on lui conseille, il perd la trace de son trésor. La technique du recueil d’information est au contraire un modèle de vertu méthodologique. Hélas le bel instrument ne ramène qu’un matériau pauvre du point de vue du savoir sociologique. Comme si l’entretien (et plus largement le travail qualitatif) était frappé d’une mystérieuse malédiction : entre le riche mais mou et le dur mais pauvre, il semble impossible de parvenir à un juste milieu ”151.’

Si l’on reconnaît actuellement le peu d’efficacité des entretiens directifs quant à la collecte d’informations, une grande méfiance existe toujours quant à l’attitude de l’interviewer qui, par l’expression de ses opinions, de ses ressentis, influence la personne interrogée. Or,

‘“ La retenue de l’enquêteur déclenche une attitude spécifique chez la personne interrogée, qui évite de trop s’engager : à la non-personnalisation des questions fait écho la non-personnalisation des réponses ”152.’

Néanmoins l’entretien non-directif n’est pas la “ conversation ” que préconise Pierre Bourdieu dans  La misère du monde 153:

‘“ il ne repose ni sur le ” pur laisser-faire ”, ni sur ” l’annulation de l’observateur ” mais sur l’empathie, une écoute active et des reformulations fidèles, miroir des propos de l’enquêté ”154.’

écrit Nonna Mayer dans son analyse critique de l’ouvrage sus-cité.

Notes
150.

GOTMAN A., “ La neutralité vue sous l’angle de l’E.N.D.R. ”, in BLANCHET A., dir., L’entretien dans les sciences sociales, Paris, Dunod, 1985, p.166.

151.

KAUFMANN J.-C., L’entretien compréhensif, Paris, Nathan Université, 127 pages, pp. 15-16.

152.

KAUFMANN J.-C., op.cit. p.17

153.

BOURDIEU P., La misère du monde, Paris, Seuil, 957 pages, pp. 906 et 916)

154.

MAYER N., “ L’entretien selon Pierre Bourdieu. Analyse critique de La misère du monde, in Revue française de sociologie, XXXVI, 1995, pp. 355-370, p. 368.