I. D. Mise en perspective

Les propos recueillis sont, à partir des questions de départ, une mise en perspective de l’histoire de la personne à partir de ses représentations, une reconstruction de son histoire. C’est un travail de création qui lui est demandé, travail qu’elle vient faire quand elle est en thérapie, travail qu’on lui demande quand on effectue une recherche et que l’on s’adresse à elle. La personne qui écoute est donc, elle aussi, impliquée par les émotions, sentiments, ressentis, par l’intérêt manifesté :

‘“ La perception de ce conteur d’histoires que j’ai devant moi, l’authentique expression de ses émotions me livre d’emblée ce qu’il a d’original, d’unique. Et je n’aurai jamais fini de m’intéresser à lui, partant de le connaître, de faire un bout de chemin en sa compagnie, parce qu’en disant, en faisant, il n’aura ‘jamais’ fini d’ajouter à son être, par petites touches à chaque moment. Tant qu’il agira, parlera, bougera, il me surprendra. Le conteur deviendra fabuleux et son histoire de vie fascinante. Etre empathique, c’est percevoir cette originalité absolue, cette authenticité parfaite d’un homme, comparable à une oeuvre d’art ”155. ’

Je laisse alors parler les enseignants très librement, le temps qu’ils désirent, en acceptant toutes les dérives. Si, dans la population recrutée, parler de soi, de ses sentiments, de ses émotions n’est pas fréquent, une partie significative des enseignants utilise cette occasion pour parler du présent ou du passé proche quand ils sont douloureux. En conséquence, si je coupe, dans la transcription quelques passages qui n’ont aucunement trait à la recherche, je garde tous ceux où la personne interrogée, surtout dans le deuxième entretien, parle de ses liens, de ses souffrances, de ses problèmes actuels. Bien que ce ne soit pas mon propos, ces paroles qui ne sont pas demandées me paraissent significatives du besoin de ces personnes, de partager, d’échanger, de réfléchir avec un tiers sur leurs difficultés présentes ou passées, de prendre de la distance par rapport à leur vécu.

Notes
155.

HABRIAS-SIMON N., “ Un lieu pour l’émotion, la thérapie ” in LOBROT M. et coll., Le choc des émotions, Tours, La Louvière, 1995, 287 pages p. 211.