II. Qualités requises pour mener des entretiens

II. A. L’empathie

Qu’est-ce que l’empathie ? Je reprends pour cela la définition qu’en donne Nicole Habrias-Simon quand elle parle de la thérapie :

‘“ L’empathie, c’est lorsqu’on arrive à saisir ce que l’autre éprouve dans son monde intérieur, lorsqu’on entend, repère, comprend, admet ses sentiments les plus profonds. L’empathie, c’est quand il s’agit d’entrer le plus possible (complètement ...!) dans l’univers de cet autre, mon frère, de percevoir ses attitudes, ses ressentis, ses conceptions, ses valeurs.
Ressentir, au plus profond du terme (c’est-à-dire sentir à nouveau, sentir avec) l’émotion qui s’exprime, qu’elle soit négative comme l’angoisse, l’agressivité, ou positive comme la joie, l’amour ... Etre le miroir de l’autre, de son harmonie, comme de sa perturbation, de sa désorganisation comme de sa plénitude. Cela exige de la part de celui qui écoute, non seulement d’accepter d’une manière “ inconditionnelle ”, les émotions, les affects, les attitudes de l’autre, mais également de ne pas bousculer ces émotions, ces affects, attitudes, précieux, uniques, qui s’expriment, laissant libre cours au flot qui déborde. Il s’agit de ” se mouvoir comme chez soi dans la maison de l’autre ”, comme l’écrit Carl rogers. Et pourtant, cette maison n’est pas la mienne et je ne dois pas me perdre dans le flot des émotions ressenties par l’autre, je ne dois pas me perdre dans un processus qui ne serait plus empathique, mais deviendrait identificatoire ”156.’

Cette définition de l’empathie concerne d’abord la relation thérapeutique. Elle me semble aussi convenir particulièrement à la situation d’apprentissage. En effet, entendre, repérer, comprendre les sentiments d’une personne, ‘“ percevoir ses attitudes, ses ressentis, ses conceptions, ses valeurs’ ” est très important pour lui présenter une séquence d’apprentissage de telle manière à ce qu’elle puisse se l’approprier, la faire sienne. Si les premières séquences d’apprentissage, en lecture par exemple, se sont révélées difficiles, douloureuses, pour un élève, les suivantes risquent fort de générer les sentiments d’angoisse, de peur de l’échec, d’incompétence, et l’énergie personnelle s’investira dans la lutte contre ces sentiments négatifs au lieu de l’être dans l’apprentissage lui-même. Les problèmes particuliers de l’élève en dehors de l’école, au sein de sa famille, de son milieu socio-économique les mésententes familiales, les soucis dus au chômage, à la maladie, etc. doivent aussi être pris en compte car ils sont tout autant susceptibles de détourner l’attention de la personne de ses apprentissages. Essayer de comprendre autrui “ de l’intérieur ” est nécessaire pour s’adapter à ce qu’il est et à son fonctionnement. Etre capable de “ ‘se mouvoir comme chez soi dans la maison de l’autre’ ” est le moyen privilégié de l’aider avec le maximum d’adéquation.

Notes
156.

HABRIAS SIMON N., “ Un lieu pour l’émotion, la thérapie ” in LOBROT M. et coll., Le choc des émotions, Tours, La Louvière, 1993, 287 pages, p. 209.