J’avais eu la même attitude lors d’entretiens menés en 1991 pour une étude similaire “ ‘Influence de l’histoire de la personne sur son comportement enseignant ’”159 mais j’ai constaté, pour ce travail actuel, davantage de “ débordements du cadre ”, ce qui m’a interrogée. En réalité, la différence principale réside dans le choix des personnes interrogées. En 1991, j’ai essentiellement interrogé des hommes et des femmes que je connaissais personnellement, avec qui j’avais des relations d’amitié assez fortes et nous échangions sur nos difficultés personnelles au moment où nous les vivions. Il y a donc au préalable le partage d’un certain vécu et l’expérimentation d’une confiance réciproque qui leur permettent d’être davantage à l’écoute de ma question et de s’accorder une plus grande liberté d’expression pour aborder différents thèmes qui apparaissent moins systématiquement au cours des entretiens réalisés pour ce travail. Les autres enseignants furent rencontrés par l’intermédiaire de ma fille alors lycéenne, et la bonne relation qu’elle avait avec eux favorisait notre échange. Je me suis alors demandé si je n’aurais pas dû être, cette fois, plus directive, poser plus systématiquement certaines questions mais, en fait, je ne suis pas sûre de la pertinence qu’aurait eue cette procédure. Au cours des entretiens, je me suis contentée de reprendre, reformuler mes demandes de manière très large, très ouverte quand l’enseignant terminait un point particulier, que ce soit sur la vie professionnelle : “ avec les collègues, c’est comment ...?, et l’administration ...? etc... ou sur la vie personnelle : “ Et avec vos frères, vos soeurs ..?, vos grands-parents ...?, à l’école ...?, etc. Certains thèmes n’apparaissent pas alors systématiquement alors qu’ils font probablement partie de la vie de chacun : jalousies, questions face à la puberté aux premiers émois amoureux, relations entre les parents, etc. Mais, quand ils apparaissent dans les entretiens sans aucune pression de ma part, ces thèmes sont plus révélateurs de l’histoire de la personne avec ses richesses et ses souffrances. Certains moments des entretiens sont parfois énoncés d’une voix assez monotone, les thèmes semblent banals, ils paraissent manquer d’une certaine vie émotionnelle. Cela aussi est révélateur d’une histoire, d’une ambiance un peu triste, angoissée, qui colore affectivement une période. Je découvre, alors sous l’apparence un peu décousue une cohérence interne, une problématique particulière. Chacun parle essentiellement autour de ce qui lui tient à coeur, une valeur, une difficulté. Certains thèmes ne sont peut-être pas abordés par pudeur, par timidité, mais aussi parce qu’ils n’apparaissent pas comme importants pour la personne au moment où elle parle. Ce sont ces moments particuliers de nos rencontres dans leur existence qui, en quelque sorte, déterminent une échelle des valeurs des thèmes abordés.
LATRY (F.) : Influence de l’histoire de la personne sur son comportement enseignant, mémoire de DHEPS, 1993, Université Lumière Lyon 2, 154 pages.