IV. D. “ Là où ça fait mal ”

Certaines personnes donc, n’ont pas manqué d’utiliser la situation d’entretien proposée pour dire leur souffrance, passée ou présente, leurs regrets, les sentiments de culpabilité qui perdurent, ce que j’ai accueilli avec respect et sans jugement. Je me suis d’ailleurs demandé, au cours des premiers entretiens sur la vie personnelle, si ma question manquait de précision dans la délimitation du cadre (histoire personnelle jusqu’à l’entrée dans la vie professionnelle) mais il s’agissait davantage je m’en suis aperçue par la suite d’une rencontre entre la question, un désir d’expression et une demande d’écoute qui occultait chez les personnes l’écoute de la question dans sa totalité. Ce désir supprimait en quelque sorte le cadre plus restreint qui leur était proposé. Mais ces paroles, que l’on pourrait considérer hors-sujet, sont importantes. Elles reflètent le besoin des personnes de pouvoir dire “ là où ça fait mal ”, de trouver une oreille attentive, un lieu où pouvoir être simplement soi, un lieu où l’on n’est pas en situation de représentation. Ce n’est pas non plus un phénomène marginal : plus d’une moitié des interviewés ont profité de cette opportunité, ce qui révèle la nécessité de lieux de parole protégés. En résumé, je n’ai pas poussé les personnes à s’exprimer plus qu’elle ne le désiraient, j’ai évité, autant que faire se peut, les inductions, j’ai accueilli aussi favorablement les dérives hors du cadre préalablement défini car révélatrices d’un besoin.