II. D. Réflexions sur la formation

Bien que défendant ses points de vue avec énergie et détermination, Pierre fait preuve de souplesse et de diplomatie avec ses collègues pour les inciter en douceur à évoluer au niveau pédagogique. Revenant à la formation, il déplore que ne soit pas développée l’expérience “ ‘où on demandait aux enseignants c’est pas beaucoup mais c’est déjà ça un mois de travail avant, validé, et un mois de stage dans une association. Alors ça, c’était bien parce que, déjà, ça montrait ce qu’étaient le monde du travail et le monde associatif’. ” Pour lui, les enseignants ne connaissent pas assez la réalité de la vie extérieure à l’Education nationale. Il déplore aussi qu’on parle aussi peu de la pédagogie Freinet et de la pédagogie institutionnelle en formation : “ on en parle un petit peu mais très peu, très très peu ” et constate que la terminologie “ pédagogie Freinet ” : “ Ça fait un peu peur pour certains ” parce qu’  ‘“ on est un milieu quand même très fermé. Si on veut faire changer les choses, on peut le faire que de l’intérieur et puis on peut le faire en faisant évoluer les gens en groupe et pas en personne’ (??) ” Ce qui lui paraît positif en revanche, c’est “ d’échanger des expériences ”, “ de prendre le meilleur et puis de le faire avancer ”. C’est donc dans l’échange et la confrontation que les personnes, petit à petit prennent confiance, modifient leur regard et progressent. Pierre ne pense pas “ qu’on puisse imposer ” et revient à son idée : “ Il y a des mots qui font peur actuellement ”. Il évoque alors le frein que constituent les parents : “ il faut bien se méfier de ce qu’on peut dire parce qu’on a tout de suite les parents sur le dos ”, et les collègues, notamment ceux ont qui les classes qui suivent et qui, par certaines phrases aux parents : “ Oh ben, ils ne savent rien cette année ”, “ vous coupent l’herbe sous les pieds. ” Pour le maître, “ c’est plus (davantage) facile (de travailler différemment) sur une classe unique que dans une structure en ville où il y a vingt écoles (?) ” Les enseignants ont peur d’être “ catalogués ”. A ce sujet Pierre se souvient de son expérience personnelle : “ Pourtant, Dieu sait si je suis allé doucement mais au début je passais pour révolutionnaire ”. S’il se sent bien avec ses collègues actuels, il fait peu confiance à la hiérarchie comme il l’exprimait au début de l’entretien : “ Je sais bien que, s’il y a le moindre problème, je ne serai pas soutenu par ma hiérarchie et on me mettra la tête sous l’eau. ” Mais il est convaincu qu’il est possible de faire évoluer les choses, qu’il s’agit de faire ses preuves et d’être cohérent : “ La cohérence, c’est très important. Etre cohérent dans ses actions, ah oui! ”

Enfin Pierre souhaite à ses collègues “ d’oser ” : oser se libérer des programmes, “ avoir le cran d’aller jusqu’au bout ”, faire que “ les enfants puissent s’adapter très rapidement à la situation qui change ”, donc leur donner la possibilité “ d’être bien dans leur peau ”, faire en sorte que “ l’échec (ne) soit (pas) quelque chose qui vous coupe les pattes ” mais “ au contraire qu’il soit quelque chose de constructif ”, c’est-à-dire évaluer ce qui manque pour parvenir à la réussite et mettre en oeuvre des stratégies adaptées.