II. La vie professionnelle

II. A. La formation

II. A. 1. Les quartiers difficiles

En réalité, il n’était pas dans les projets de Mireille d’entrer dans l’enseignement : “ je voulais continuer des études et plutôt arts plastiques, aller faire des choses, styliste, des choses comme ça ”. Mais “ y a eu 68, etc., et la faculté et donc ça me semblait un petit peu risqué ”. Que craint-elle ? Ce n’est pas explicite. Toujours est-il que, conseillée par sa cousine, elle dépose un dossier à l’Inspection et devient suppléante en maternelle “ dans des quartiers chauds et avec beaucoup d’enfants en difficulté et des classes de quarante élèves ”. Comme elle le dit avec humour : “ de but en blanc, quand on débarque comme ça ... ça surprend ! ” Mireille travaille “ à l’intuition, à l’affectivité ” et suit des formations le jeudi durant deux ans pour passer un CAP. Durant suppléances puis remplacements, elle acquiert “ pas mal d’expérience ” et découvre des publics très différents. En général elle travaille dans divers quartiers du XVIIIème arrondissement, plutôt défavorisés, notamment un an “ dans un quartier pas triste parce que le soir quand on rentrait on se faisait attaquer ! ” Malgré tout, “ j’aimais bien cette classe ... C’étaient des cas sociaux surtout et on voyait, bon, à cette époque, on parlait moins de la maltraitance, des incestes, etc., mais y en avait peut-être 50% dans la classe . Je voyais aussi les frères et soeurs et y avait des problèmes de communication avec les parents qui étaient, pour la plupart, étrangers. C’était très très difficile (soupir) d’entrer en contact avec eux, de leur expliquer certaines choses ”. Mireille éprouve de la compassion pour les enfants “ sur le trottoir de sept heures du matin jusqu’à sept heures du soir, (enfants) complètement déboussolés qui dormaient debout la plupart du temps ” et de l’agressivité à l’égard des parents qui prenaient l’école maternelle pour une garderie : “ parce qu’il fallait tout leur apprendre : la politesse, la propreté, l’hygiène, comment manger ... enfin on devait remplacer les parents en fait ”. Dans un autre quartier semblable, “ les enfants étaient très réceptifs, très affectueux, ils avaient vraiment besoin de l’école pour compenser un peu ce qui leur manquait chez eux ”. Elle effectue encore un remplacement dans cet arrondissement dans une école où les différents milieux sont mélangés : “ Y avait pas que des cas sociaux, y avait tous les niveaux. J’avais moins d’élèves (trente) ... et cette année m’a beaucoup plu parce que j’avais une classe de moyens que j’aimais beaucoup, j’avais des étrangers, des petits Espagnols et comme je parlais un peu espagnol y avait pas de problèmes de communication avec les parents ... C’étaient des enfants de toutes les classes sociales ”.