I. C. Un père inexistant

Face à cette situation qui empire durant l’adolescence de Claudine, le père ne fait rien, il se montre inexistant. Quand elle recherche de manière quasi désespérée un souvenir au moins, montrant sa mère “ maternelle ”, Claudine se rappelle qu’elle s’entend bien avec son père proche d’elle parce que : “ c’était un homme qui aimait la terre (répété) ... il aimait aller voir le soleil se lever le matin, il aimait, il avait plaisir à voir ses grains de blé qui mûrissaient ... ” C’est un homme qui partage cet amour de la nature avec sa fille (ses enfants ?), un homme “ très calme, très gentil ”, qui lui a écrit, il y a une année “ une gentille lettre (tout de suite contrée par une horrible lettre de ma mère) ”. Claudine se souvient qu’avec lui “ souvent on allait manger la soupe dans les champs, le soir, l’été ... ces mois de juin où ... ” Ce père peut parfois montrer de l’autorité face à ses enfants : “ de temps en temps, quand il donnait un coup de béret sur la table, c’est qu’on (ne) bougeait plus une oreille. Mais c’était exceptionnel, donc ça avait tout son poids ”. En revanche, face à son épouse, il n’a, selon Claudine,  pas “ l’envergure ”. Face aux conflits qui opposent mère et fille , il se contente de pleurer (deux fois), il n’essaie pas de les séparer les belligérantes, “ a jamais pu faire un geste pour la séparer ”. Il ne s’oppose pas davantage à sa femme quand elle “ dispute ” Claudine qui reçoit des appels téléphoniques : il “ rouspète ” lui aussi. Il n’intervient pas lors de l’épisode du livret de famille pour le mariage et n’y assistera pas. Il semble éprouver le désir de voir sa fille, il vient la saluer lorsqu’ils se rencontrent à l’occasion de sépultures (sa femme n’y assiste pas) mais se révèle incapable de parler avec elle : “ Je crois qu’il ose pas. Il a peur quelque part, non ? Non, je crois que ça lui était pas possible ... je crois qu’il peut pas ”.

Le terme “ dure ” qu’utilise Claudine à propos de sa mère, ne recouvre pas que la dureté vis-à-vis de soi-même, mais vis à vis des autres. Les comportements de cette dame à l’égard de sa fille ont davantage à voir avec la violence, la méchanceté, le sadisme et seraient passibles de la justice. et l’on peut considérer que le père de Claudine, qui connaissait la situation, pourrait être accusé de non assistance à personne en danger si les faits se déroulaient maintenant.

Cet entretien révèle et réveille la souffrance de Claudine, son insécurité et sa culpabilité profondes : “ Toute ma vie, j’ai battu ma coulpe pour des tas de choses ... Ces problèmes de culpabilité en fait on me les a mis dans la tête, on me les a bien faits rester, ancrer dans la tête. ” Même si, intellectuellement, elle sait qu’elle n’a rien à se reprocher, affectivement elle se sent coupable.