II. B. Conséquences

On observe là comme un renversement de situation. Avant qu’elle ne “ travaille ” (au sens de travail rémunéré), on lui fait la vie dure à la maison mais cela se passe plutôt bien au niveau “ professionnel ”, l’école. Quand elle commence à enseigner, c’est le contraire : elle est maîtresse chez elle mais a la vie dure au niveau professionnel. Elle vit donc dans la peur et l’angoisse en classe mais, de façon un peu surprenante, affirme : “ avec le recul, j’ai une bonne expérience, un bon souvenir de ça ”, puis : “ je me suis dit que j’avais beaucoup appris par le biais de ces inspectrices-là qui m’avaient formées à être une vraie (redondance) institutrice d’école maternelle ”. Que les inspectrices affirment avec conviction la nécessité de sortir les enfants en milieu de matinée pour des raisons diverses d’ordres pédagogique, psychologique, hygiénique ..., cela paraît normal mais que les méthodes utilisées pour y parvenir avec l’enseignante : dureté et brutalité verbales, aient été efficaces, de cela je doute. Que les institutrices (dixit Claudine) soient, dans ces conditions “ vraiment très, très, très (trois fois !) à l’écoute ”, cela mériterait vérification : A l’écoute mais quelle écoute ? A l’écoute de qui ? Des besoins des enfants ? Ou des désirs des inspectrices ? Si les conditions sont telles que les décrit Claudine ce dont il n’y a aucune raison de douter si elle a néanmoins développé les qualités nécessaires à cet enseignement, à qui le doit-elle ? A ses supérieures hiérarchiques ? A l’influence de ses collègues ? Il semble que les méthodes rudes des supérieures de Claudine au début de sa carrière n’ont pas renforcé son sentiment de sécurité, de compétence en elle-même. Elle parle de son “ besoin que l’inspecteur passe parce qu’(elle se) pose toujours des questions ...: Tu fais bien ? Tu fais mal ? Mais qu’est-ce que tu fais ? (Elle se) posait cette question sans arrêt : Mais est-ce que vraiment je suis encore dans le vrai ? (Elle s’est) vraiment remise en question, mais terriblement ... ” Et elle ressent la nécessité d’être rassurée comme s’il lui était impossible de se faire confiance, de se fier à ses capacités de réflexion, de jugement. Cela, au point que son inspecteur, venu la voir quelques temps avant l’entretien, confie à son ASEM:  “ J’espère qu’elle est rassurée, je n’en suis même pas sûr ! ” C’est aussi pour cela que la publication de programmes pour les classes maternelles la conforte un peu : “ Enfin on a une trame, on a quelque chose qui va nous aider ... Nous, on était dans une espèce de flou artistique ”.