Jean et le CAPFIM

I. L’expérience du jeune instituteur

Au cours des deux entretiens, Jean relate le souvenir négatif qui a laissé chez lui des traces profondes, et qui reste vivace. En début de carrière, instituteur dans l’école qui possédait le matériel Freinet, il décide de se présenter au CAFIM de musique. Il joue de la guitare depuis l’âge de onze ans, il a fabriqué un disque avec son groupe dans le cadre de l’aumônerie, la musique le passionne, il joue, s’exerce avec ses amis, continue à se former et, dans sa classe, il initie ses élèves en essayant de les mettre en situation d’improvisation. Pour évoquer ce travail, il parle de “ démarches proches du free jazz ... où les instruments sont considérés comme un langage ... où il n’y a pas de prérequis, de technique ... où on va travailler uniquement avec des consignes très simples de notes longues, notes brèves, de dialogues à deux ”. Cela rappelle un peu les chants et les musiques libres dans la classe de Paul Le Bohec à Trégastel, ou dans celle de Delbasty qui a cré l’ariel187 à Buzet-sur-Baïse. Dans sa classe, Jean avait d’ailleurs fabriqué des instruments et installé une contre-basse ainsi qu’un piano. Il réfléchit encore sur cette activité : “ J’avais fait des trucs qui étaient, je m’en rends compte maintenant, complètement révolutionnaires ... Plus j’y pense, plus je pense que c’était très bien. Oui, oui, tout à fait. ”

Mais, naïveté ou inconscience, il ne s’informe pas auprès de l’administration locale pour bénéficier d’appuis et de conseils. Le choc est brutal : “ Je me suis fait descendre en flammes par le directeur de l’école normale ... Donc il voulait ma peau, donc il l’a eue. ” Jean a le sentiment de n’avoir été aucunement écouté, c’est le directeur qui “ avait la vérité ”. Il vit cette situation comme une catastrophe parce qu’il s’est senti profondément humilié, écrasé. Les termes qui décrivent ce moment sont très forts : “ souvenir vraiment cuisant ... la hiérarchie qui vous écrase ... j’étais vraiment de la merde et il fallait que je le sache ... (A propos du directeur) il peut être d’un méprisant absolument inimaginable ... ” Peut-être le travail montré par Jean n’était-il pas parfait. Néanmoins, une collègue présente à la séance en tant que conseillère pédagogique lui avoue lors d’une rencontre fortuite quelque dix ou quinze plus tard : “ J’en ai été gênée pendant des années ... ” Le ressenti de Jean correspondrait bien à la réalité. Et le mépris et l’humiliation laissent encore des traces : “ Je hais peu de gens mais lui, (le directeur) je lui voue une haine farouche ”. Toujours est-il qu’il arrête cette recherche durant plus de vingt ans.

Notes
187.

L’ariel est un instrument formé de cordes tendues sur un cadre sous lesquelles il y a de petits chevalets que l’on peut déplacer en fonction des notes ou des harmonies que l’on veut produire.Ces cordes peuvent être, au choix, frappées ou pincées. Cet instrument était en vente à la Coopérative de l’Enseignement Laïc.