I. B. L’école

I. B. 1. Classe unique et colonie de vacances

A propos de l’école, le premier souvenir de Laurent est “ une claque phénoménale ” reçue le jour de la rentrée au CM 2, claque donnée par une institutrice qui revenait d’Algérie, claque qui le “ détermine à être bien, bien sage en classe ”, enfin claque dont il ne se vante pas à son retour à la maison parce que “ ça doublait la dose ! ” Il se souvient de l’auteur : “ Je revois la tête de la personne, le nom, les rapports qu’ont pu avoir mes parents avec elle ”. Malgré des débuts “ musclés ”, Laurent l’apprécie : “ C’était une femme extraordinaire dans le sens où elle avait un rapport qui était intéressant (il insiste là-dessus) et qui n’était pas un rapport de force perpétuel ... Et on découvrait une nouvelle liberté aussi quelque part, et on l’a bien mise à profit ... Cette femme-là, elle m’a marqué en bien. ” Cette claque qui aurait pu avoir des conséquences négatives marque le départ d’une scolarité plus ouverte où les élèves bénéficient de davantage de liberté, peut-être davantage d’écoute aussi.

Les années précédentes, le maître de la classe unique, inséré dans la vie du village, est aussi secrétaire de mairie, fonction qu’il garde quand il quitte l’école pour devenir surveillant général à l’école normale. Mais Laurent ne l’apprécie guère : “ Lui, c’était plutôt : je ne veux voir qu’une tête, et puis : filez bien droit ... Je le trouvais très obtus, très roublard, très sournois ... et vraiment le genre de personnes que je n’ai pas aimé côtoyer ”. Il résume alors sa scolarité sous la férule de cet instituteur : “ C’était le bagne ! ” L’image de la maîtresse qui le remplace se comprend alors malgré la claque. Arrivant après un collègue rigide et dur l’opinion de Laurent est sévère sur l’enseignant elle est, malgré son ouverture, obligée de marquer nettement les limites : les enfants, très “ bridés ” auparavant, confondent liberté et laisser faire. Cela rappelle l’expérience de Guy Gilbert quand il prend sous sa responsabilité, en tant qu’éducateur, certains enfants qui n’ont connu que la violence. Les premières confrontations sont parfois musclées jusqu’au moment où le jeune comprend, avec l’aide de l’adulte que les relations peuvent être autres. La claque reçue par Laurent aurait-elle pu être évitée ? Nous n’avons pas assez d’éléments pour nous faire une opinion. L’éducation de l’école était rigide, celle des familles également, il était peut-être nécessaire que la maîtresse montre qu’elle pouvait “ éduquer ” de la même manière avant de montrer que d’autres choix étaient possibles. Pour Laurent, il semble que la gifle fut davantage une prise de conscience qu’un traumatisme. A part cet événement, parlant du primaire, il se décrit comme “ très bon élève ”.

La profession paternelle permet, par l’intermédiaire de la Mutuelle Sociale Agricole, à Laurent de partir en colonie de vacances. Il en il garde “ des souvenirs émerveillés ” : “ Moi, j’y ai découvert les autres, j’y ai découvert la vie parce qu’à la maison c’était nous sept et on n’en sortait pas ”. Il se rappelle être allé à Cabourg, à Ambert, conclut : “ J’avais besoin de ça que je n’avais pas autrement dans ma vie familiale ” et pense que c’est dans ses expériences de colonies de vacances que s’origine son “ intérêt maintenant pour envoyer les enfants en classe d’environnement, en classe verte ”.