II. Vie professionnelle

II. A. Débuts difficiles

Après sa réussite, Carole doit accomplir une année de remplacements avant de commencer la formation. “ Mes débuts n’ont pas été faciles ” dit-elle. Les souvenirs concernant cette période sont flous : on ne connaît ni le nombre de classes, ni les niveaux, leurs situations géographiques, leurs durées. Toutefois, quelques expériences émergent qui sont particulièrement difficiles pour elle qui n’a encore aucune formation. Celle qui semble avoir duré le plus longtemps concerne une classe pour les gens du voyage où elle est “ parachutée un petit peu à (ses) dépens ”. Elle a un effectif réduit huit à dix enfants de quatre à onze-douze ans dans un local éloigné des autres bâtiments scolaires, et avec peu de moyens matériels à disposition. “ Et puis bon, des difficultés avec les enfants, énormes, que je n’étais pas en mesure de gérer. Des enfants, bon, turbulents, des enfants qui n’avaient aucun suivi scolaire. Il m’arrivait de me présenter dans la classe et de n’avoir aucun enfant ce jour-là ”. En raison d’accords particuliers, ils ne venaient pas en classe le samedi. En outre, à cause d’un différent avec la Mairie qui dure elle ne veut pas leur accorder un terrain en herbe les gens du voyage tentent de faire pression en gardant leurs enfants chez eux au lieu de les envoyer à l’école. Durant ce remplacement de longue durée, Carole reçoit l’aide de deux conseillers pédagogiques “ qui sont là pratiquement une fois par semaine ”. Mais elle s’interroge sur l’intérêt pour les enfants “ d’envoyer des jeunes sans expérience dans des classes comme ça ... Quand on repense après aux bêtises, je veux dire aux choses bêtes ... ”. Elle se rend compte qu’elle “ n’était pas à la hauteur ”. Il aurait fallu à ces enfants “ un enseignement individuel ” et elle n’avait “ même pas fait (son) année de formation : Ça ne s’improvise pas, y a quand même des choses à apprendre, des bases à avoir ”. C’est aussi à cette époque qu’elle fait quelques stages en IMP : “ C’était dur ”. Si elle admire les collègues qui travaillent dans ce secteur : “ Moi, ça m’a donné l’effet d’une grande famille ”, elle ne se sent pas “ faite pour ça ” et pense que c’est une “ autre forme d’éducation : Il faut quand même une certaine vocation au départ. Ça, peut-être qu’on découvre après qu’on l’a ou qu’on ne l’a pas. Mais, entre des enfants, soit qui ont des problèmes psychologiques, voire moteurs ... ” et des enfants de classes dites normales, il y a un grande différence pour Carole. Elle se souvient encore de ses problèmes d’adaptation quand elle travaille “ le matin en petite section de maternelle et jongle l’après-midi avec des CM 2 ” et signale les classes difficiles dans les ZEP (à laquelle appartient peut-être sa première affectation). A la classe proprement dite, s’ajoutent pour elle les déplacements : les postes ne sont pas toujours près de son domicile et elle est mère de petits enfants.

A propos de ces affectations difficiles, Carole précise qu’ “ en rentrant dans le métier ... ” elle n’a jamais refusé un poste : “ J’y allais peut-être à contre coeur mais je faisais quand même l’effort d’essayer ”. Elle poursuit à propos de remplaçants formés “ qui ne veulent pas avoir une classe en responsabilité et qui aiment justement rencontrer d’autres gens et tout : Je pense que maintenant, avec l’expérience, ils se permettent peut-être des choses que moi je ne me suis pas permis au début, à savoir refuser un poste quand on n’est pas compétent pour l’accepter ”. Elle revient encore sur ces maîtres compétents qui refusent en ajoutant, au sujet des débutants : “ Je crois que maintenant ça a pas beaucoup évolué, on envoie toujours les gens comme ça ... ”