Conclusion

Bien qu’il soit évident que Carole et Catherine ont des représentations des expériences vécues qui ont influencé leur comportement et leurs attitudes d’enseignantes, il m’a été souvent difficile de trouver des liens parce que sentiments et émotions n’étaient pas fortement exprimés dans un sens ou dans l’autre. Ce n’est peut-être pas très important en soi mais j’ai tendance à penser le contraire, à savoir qu’un vécu encore douloureux, qu’il soit récent ou ancien, incite la personne, si elle n’est pas en complète confiance, à éviter son évocation pour ne pas réactiver la souffrance qui lui est concomitante. Le cri du coeur de Carole, quand je suis allée la voir dans sa classe, confirmerait cette hypothèse.

Pour Carole surtout, mais aussi pour Catherine, j’ai du mal à repérer quelles personnes et/ou expériences les ont influencées fortement, que ce soit de manière positive en leur donnant confiance en elles, en leurs capacités, ou en atténuant par leur présence, leur écoute les moments douloureux, ou de façon négative ... J’ai eu le sentiment d’un grand besoin de protection, peut-être par rapport à certains événements ou certaines personnes seulement, mais qui contaminait la totalité de la communication et les conduisaient à se tenir sur leurs gardes. Il est évident en outre, que l’utilisation de l’image de Carole par les professeurs de l’école normale sans lui demander son accord nétait pas une expérience incitant à la confiance.

En fait, pratiquement tous les instituteurs interrogés – mis à part Jean qui offre des plages d’expression libre orale, écrite, graphique et corporelle et en tient compte dans son travail – observent les enfants, y sont attentifs mais ont du mal à les entendre, étant le plus souvent paralysés par ce fameux programme. Ils interrogent sur le cours, ils écoutent la réponse à une question qu’ils ont posée auparavant. Cela me rappelle une anecdote qu’Eliane me racontait un jour où j’étais allée chercher mon plus jeune fils à l’école. Elle avait expliqué à ses élèves que “ quand on ne savait pas, il fallait venir poser sa question à la maîtresse ”. Et une petite fille levait souvent la main pour demander des explications ... mais n’écoutait jamais la réponse ... C’était en quelque sorte une “ bonne élève bien obéissante ” mais pas très curieuse, sans désir réel de savoir dans le domaine où elle interrogeait. Elle jouait le jeu de l’Ecole. Mais l’avait-on un jour écoutée réellement ? Avait-on montré de la curiosité à son égard ? Avait-elle ressenti un intérêt réel des adultes pour ce qu’elle pouvait penser, rêver imaginer ?